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Casterman

Virgile Dureuil et Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie

« Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de route d’accès, parfois, une visite. L’hiver, des températures de – 30 °C, l’été, des ours sur les berges. Bref, le paradis. » Du journal d’ermitage rédigé par Sylvain Tesson (Gallimard, 2011), Virgile Dureuil a tiré une bande dessinée, un premier livre qui augure bien de son talent. D’une part, il a tiré la quintessence du récit de Tesson, la moelle de la moelle ; d’autre part, il a mis en images les ambiances, les couleurs, les paysages si particuliers du lac Baïkal : bleus de la glace, blancs de la neige, bruns des forêts et des cabanes… Un voyage intérieur aussi, au bout d’un monde où le thé, les ombles, les blinis et la vodka n’ont pas le même goût qu’ailleurs. Puisse-t-il rester, sur les rives de cet immense lac, quelques criques sauvages et inaccessibles au tourisme mondialisé.

Adolescents

Virgile Dureuil et Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Casterman, 2019, 112 p., 18 € — Imprimé en France

Derib et Job, Yakari et Grand Aigle

Ah, ce petit Sioux espiègle et décidé sous la coiffe de plumes empruntée à un grand guerrier ! Ce tout premier tome des aventures de Yakari nous conduit, sur les ailes de Grand Aigle ou au galop de Petit Tonnerre, dans les plaines et les forêts du Grand Ouest américain. Quel jeune papoose n’a pas tremblé devant l’ours, le feu de forêt, ou la cavalcade des mustangs ? Une bande dessinée idéale en fin de CP : peu de texte, un contexte explicite et des dessins dynamiques. Nous en avons déniché un exemplaire de 1977 chez un bouquiniste parisien, ravi de pouvoir de nouveau proposer ses trésors.

Dès 6 ans

Derib et Job, Yakari et Grand Aigle, Le Lombard, 2012, 48 p., 10,95 € — Nombreuses rééditions depuis 1973, Casterman

Jean-Marc Rochette, Le Loup

Une haute vallée des Écrins. Un berger. Son troupeau. Une louve et son petit. Une nuit de pleine lune. Soudain, un coup de feu. Quelques jours plus tard, au village, Gaspard avoue. Cette louve, cette bête magnifique, « reine ou pas, je lui ai mis une cartouche ». Parce que voir « des brebis et des agneaux les tripes à l’air. Du sang de partout », entendre des hurlements, supporter la puanteur des charognes, il n’en peut plus. De mois en mois, d’hivers en étés, le louveteau va devenir un superbe loup blanc. Une étrange relation se noue alors entre l’animal sauvage et l’homme – ensauvagé, mais armé. Les estives, les vallons, la haute montagne, les bergers comme les gardes du parc, Jean-Marc Rochette, qui vit dans la vallée du Vénéon, les connaît, les aime et les dépeint avec une rare justesse. Mais il connaît aussi le conflit qui empoisonne la vie locale : peut-on, ou non, vivre avec le loup ? « Un problème métaphysique », qui justifie la fiction par laquelle se termine son récit en images. Quelle forme doivent prendre nos relations avec le monde sauvage ? C’est le thème d’une longue postface signée Baptiste Morizot, auteur de l’ouvrage Les diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, où le philosophe explore la possibilité de relations pacifiées entre les hommes et les autres vivants.

Adolescents

Jean-Marc Rochette, Le Loup, Casterman, 2019, 112 p., 18 € — Mise en couleur par Isabelle Merlet. Postface de Baptiste Morizot

Karina Yan Glaser, Les Vanderbeeker, On reste ici ! (tome 1)

Harlem, 141e Rue, vendredi 20 décembre. Les Vanderbeeker — soit les parents, 5 enfants, un chien, un chat et un lapin nain — devraient préparer Noël dans la joie et l’insouciance. Devraient. Devraient. Si leur propriétaire, M Beiderman, ne leur avait donné leur congé pour la fin du mois. Ce même M Beiderman qui habite au 3e étage et que personne ne voit jamais. Branle-bas de combat ! Quand les parents font les cartons, les enfants, eux, font des plans. Les jumelles Isa et Jessie, Oliver, Jacinthe et Laney la petite dernière, vont tout tenter, absolument tout, pour rester dans cette maison qu’ils aiment tant, au cœur d’un quartier où tout le monde se connaît. Karina Yan Glaser multiplie les gags, invente les situations les plus bancales, et y ajoute tant de bonne humeur et de gentillesse que le vieux M Beiderman… Ne comptez pas sur moi pour vous donner la clé de l’énigme mais sachez que le roman n’est pas sans développer les mêmes valeurs que le conte du « Géant égoïste » d’Oscar Wilde. Car l’optimisme veut que les « méchants » ne le soient pas par hasard et qu’il reste toujours possible de modifier le cours des choses.

Dès 9 ans

Karina Yan Glaser, Les Vanderbeeker, On reste ici ! (tome 1), Casterman, 2018, 300 p., 12,90 € — Traduit de l’anglais (américain). Imprimé en Espagne

Madeleine Cook, Pas de Noël cette année ?

Madeleine Cook, Pas de Noël cette année ?

Un album conseillé par Jean-Luc, bibliothécaire : « Alors que je le lisais à des tout-petits dans le cadre de l’heure du conte, l’une d’entre eux m’a fait remarquer que le petit mulot, héros de l’histoire portait un gilet jaune … la vérité sortant de la bouche des enfants, j’ai lu ce livre aux enfants avec d’autant plus de plaisir. » Mais pourquoi donc ce petit Mulot n’a‑t-il aucune envie de fêter Noël ? Ses amis parviendront-ils à le faire changer d’avis ?
Un grand merci à Jean-Luc ! Et vous, chers lecteurs, quels sont vos coups de cœur de Noël ?

Dès 3 ans

Madeleine Cook, Pas de Noël cette année ?, illustrations de Samara Hardy, Casterman, 2017, 44 p., 13,95 € — Traduit de l’anglais.

Laura Knowles, Nous, les grands voyageurs

Laura Knowles, Nous, les grands voyageurs

Des plus grands – les baleines à bosse – aux minuscules –  les colibris à gorge rubis -, nombreux sont les animaux qui accomplissent des migrations saisonnières, sur terre, dans l’air ou dans les océans. Ainsi, le colibri à gorge rubis, qui pèse « moins lourd qu’une pièce de 20 centimes », parcourt « près de 12000 km chaque année », de l’Amérique du Nord à l’Amérique centrale, à la recherche de la chaleur et des fleurs dans lesquelles il puise le nectar. Les illustrations de Chris Madden, très élégantes, adoptent des angles de vue originaux, qui varient selon les animaux, dans des gammes chromatiques raffinées. La dernière double page évoque les voyages des hommes – lesquels ne sont que rarement dû à des instincts de survie.

De 6 ans à 10 ans

Laura Knowles, Nous, les grands voyageurs, illustrations de Chris Madden, Casterman, 2018, 64 p., 14,95 € — Traduit de l’anglais.

Ivan Canu, Un froid de loup

Ivan Canu, Un froid de loup

« Ce matin-là, le froid était tombé. Comme chaque année, à peu près à la même époque.
Le loup le savait, mais cette fois, il aurait voulu que ça n’arrive pas. Car cela signifiait qu’allait s’installer l’hiver. Et la neige.
Et qu’il allait rester de nouveau tout seul pendant très longtemps, trop longtemps.
Il en avait assez de passer ces interminables journées froides et blanches dans la solitude.
« Il me faut un ami », décida-t-il.
Et il sortit de sa tanière à la recherche d’un peu de compagnie. »
Cette compagnie, il ne la trouvera pas auprès des autres animaux, mais auprès du Chasseur, un de ces premiers chasseurs vêtus de fourrure et équipés d’armes sommaires, qui s’abritait dans une grotte et parvenait, parfois, à allumer un feu. Un album empreint de mystère, avec des illustrations de toute beauté.

Dès 4 ans

Ivan Canu, Un froid de loup, Illustrations de Gianni De Conno, Casterman, 2013, 24 p., 13,95 € ; traduit de l’italien.

Jakob et Wilhelm Grimm, La Belle au bois dormant

Jakob et Wilhelm Grimm, La Belle au bois dormant

« La onzième dame venait juste de prononcer son vœu quand soudain la treizième entra. Puisqu’on ne l’avait pas invitée, elle allait se venger ! Et sans saluer ni daigner regarder personne, elle s’écria : ‘La fille du roi, quand elle aura quinze années, à un fuseau se piquera et morte tombera.’ Et sans plus rien ajouter, elle fit demi-tour et quitta la salle. L’effroi fut général. C’est alors que la douzième dame s’avança. Comme elle ne pouvait annuler l’affreux serment, mais juste en atténuer la dureté, elle déclara : ‘La fille du roi ne mourra pas, mais dans un sommeil sombrera qui cent ans durera.’ » Ah, ces dames fées… Voici, traduite avec finesse et illustrée avec délicatesse et élégance, la version intégrale des frères Grimm, dans laquelle un certain jouvenceau a bien de la chance d’arriver les cent ans écoulés. Ce n’est pas une nouveauté, mais l’album est toujours disponible.

Dès 6 ans

Jakob et Wilhelm Grimm, La Belle au bois dormant, illustrations de Sibylle Delacroix, Casterman, albums Duculot, 2002, 30 p., 13,95 €

Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête

Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête

« Le marchand se jeta à genoux et dit à la Bête, en joignant les mains :
— Monseigneur, pardonnez-moi, je ne croyais pas vous offenser en cueillant une rose pour une de mes filles, qui m’en avait demandé.
— Je ne m’appelle point Monseigneur, répondit le monstre, mais la Bête. Je n’aime pas les compliments, moi, je veux qu’on dise ce qu’on pense ; ainsi ne croyez pas me toucher par vos flatteries. Mais vous m’avez dit que vous aviez des filles. Je veux bien vous pardonner, à condition qu’une de vos filles vienne volontairement pour mourir à votre place. » La branche de roses ayant été cueillie pour la cadette des filles, la Belle, c’est bien elle qui ira se livrer au monstre. Bien heureusement, ce qu’avait tramé une méchante fée sera aboli par une bonne fée – et le monstre redevenu prince charmant épousera la Belle. David Sala (voir ici) s’est inspiré des peintres Art Nouveau – Klimt, Osbert, La Farge, Vroubel… — pour cet album qui respecte le texte original.

Dès 8 ans

Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête, illustrations de David Sala, Casterman, 2014, 54 p., 18,50 € — Texte intégral.
Existe aussi en livre de poche : Mme Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête, suivi de L’Oiseau bleu de Mme d’Aulnoy, Le Livre de Poche jeunesse, 2014, 128 p., 4,95 €

Hergé, Tintin au pays des Soviets

Hergé, Tintin au pays des Soviets

Quand Hergé dessine Tintin au pays des Soviets pour le Petit Vingtième, il n’a que 21 ans, mais déjà un talent fou ! Paru en 1929, enfin réédité en 1973, cet album a fait cet hiver un retour remarqué – et tout en couleurs, s’il vous plaît ! Tintin y est déjà le jeune reporter qu’il restera éternellement : courageux, entreprenant, inventif, jamais à court d’inspiration pour se sortir du pétrin. Il est accompagné d’un Milou « son sympathique cabot », dit la première case de la BD, lequel est parfois plus expressif et mieux dessiné que son maître. Les aventures rocambolesques de Tintin sont l’occasion d’une satire du communisme sous toutes ses formes : élections magouillées, usines en carton pâte, famine organisée, omniprésence de la Guépéou… Le « paradis rouge » est bel et bien un enfer. Le seul méchant qui n’est pas communiste est un ours ! Saviez-vous que Tintin au pays des Soviets est la seconde bande dessinée européenne à utiliser des phylactères – des « bulles » et non des légendes inscrites sous les images ?

De 7 à 77 ans

Hergé, Tintin au pays des Soviets, Casterman, 137 p., 14,95 €

Camille Garoche, Le lapin de neige

Camille Garoche, Le lapin de neige

Une petite fille en fauteuil roulant regarde par la fenêtre sa sœur former un lapin de neige. Celui-ci va prendre vie et emmener les deux sœurs au plus profond de la forêt, dans des paysages oniriques. Proche parent sans doute du Lièvre de Mars d’Alice au Pays des Merveilles, il les entraîne dans une longue promenade. Comme une boule de neige, ce lapin va grandir, grandir, jusqu’à occuper une grande partie de la double page ! Et tout faire pour réjouir et réchauffer le cœur des deux sœurs – même quand le fauteuil sera coincé dans une congère. Un album « sans paroles », d’une grande douceur poétique, dû à une illustratrice de talent dont certains albums étaient signés « Princesse Cam Cam ».

Dès 4 ans

Camille Garoche, Le lapin de neige, Casterman, 2016, 42 p., 14,90 €

Sylvie Bednard et Annick Mangard, Ces animaux qui se ressemblent

Sylvie Bednard et Annick Mangard, Ces animaux qui se ressemblent

Pingouin ou manchot ? Guépard ou léopard ? Chouette ou hibou ? Vipère ou couleuvre ? Cet album très astucieux met face à face 25 couples d’animaux que nous avons tous plus ou moins confondu un jour ou l’autre. La zoologie vient à notre secours pour bien mettre en valeur des différences qui ne sautent pas aux yeux. Par exemple, dans nos jardins, nous verrons facilement un hérisson – qui pèse de 450 à 700 g. Nous apprenons au passage qu’il est de la famille des érinacéidés. Quant au porc-épic, lui, de la famille des hystricidés, il pèse de 5 à 7 kg et vit dans les savanes d’Amérique, d’Afrique ou d’Asie. Peu de risque, donc, de lui faire des misères sur nos routes de campagne…

Dès 7 ans

Sylvie Bednard et Annick Mangard, Ces animaux qui se ressemblent, Casterman, 2015, 55 p., 13,95 €