Thème

De 7 à 8 ans

Bertrand Santini, Jonas, le requin mécanique

« Un requin en plastique qui flotte dans un bassin, ça n’impressionne même plus les enfants ! Aujourd’hui, nos visiteurs veulent des monstres numériques. Les pantins, c’est du passé. Alors, c’est décidé, nous allons fermer cette attraction et envoyer ce tas de ferraille à la casse.
Stanley se retourna d’un bond.
— Vous… Vous voulez jeter Jonas à la poubelle ? […]
— Le gros requin a un petit nom ? Comme c’est mignon !
— Ce n’est pas un requin s’indigna Stanley. C’est une légende ! »
Le directeur de Monsterland n’en démord pas. Jonas, qui fit le succès des Dents de la mort, ne cesse de dérailler ? Inutile de faire du sentiment… Du sentiment ? Mais si les autres monstres du parc d’attractions, Krokzilla en tête, décidaient de sauver leur ami, en l’aidant à réaliser son rêve ? Nager dans l’océan, goûter aux joies de la vie sauvage… avec toutes les péripéties que cela peut générer.
Bertrand Santini livre ici un roman désopilant, aux rebondissements les plus improbables, farci de clins d’œil et de calembours – vive les romans écrits en français ! Je ne l’avais pas repéré en 2014 mais, comme Grasset a l’excellente idée de le rééditer, je me suis d’autant plus régalée que le livre est fabriqué avec soin : illustrations raffinées, typographie très lisible, couverture rigide. Si rien n’oblige à voir ou revoir les Dents de la mer pour apprécier le roman, il est probable que les enfants ne regarderont plus les parcs d’attractions avec le même œil.

Dès 7 ans

Bertrand Santini, Jonas, le requin mécanique, illustrations de Paul Mager, Grasset Jeunesse, 2023 (réédition de 2014), 112 p., 15,90 € — Imprimé en Espagne

Michel Pastoureau, Quelle est ta couleur préférée ?

Rouge comme une tomate. Violet comme la myrtille. Bleu comme l’eau froide. Gris comme l’éléphant. Et le vert, le jaune, l’orangé, le marron, le noir, le blanc, le rose : à quel objet te font-ils penser ? C’est en partant d’exemples très concrets que Michel Pastoureau explique aux enfants l’histoire des couleurs. Chaque couleur se présente à la première personne comme un personnage, puis, sur une double page, Michel Pastoureau raconte des anecdotes, revient sur l’histoire ou les légendes qui lui sont associées. Comment sont-elles fabriquées ? Quelle est leur symbolique ? Pourquoi préférons-nous le bleu et pourquoi les mariées s’habillaient-elles en rouge avant d’être en blanc ? Pourquoi les balles de tennis, de blanches, sont-elles devenues jaunes ? Et les cochons, ont-ils toujours été roses ? Les dessins de Rémy Saillard, pleins d’humour et de vivacité, ont la chance d’être présentés dans un format généreux. Il ne reste plus qu’à sortir sa boîte de peinture pour faire quelques mélanges et aller plus loin en déclinant les mille nuances de chacune de ces couleurs. Une riche idée d’avoir mis à la portée des jeunes lecteurs l’immense savoir de Michel Pastoureau, conteur à la plume alerte.

Dès 6 ans

Michel Pastoureau, Quelle est ta couleur préférée ?, illustrations de Rémi Saillard, Privat Jeunesse, 2022, 18,90 € — Imprimé en France

Hans Christian Andersen, Poucette

Une femme, qui ne pouvait avoir d’enfant, reçut d’une sorcière un grain d’orge magique. De sa tige sortit « une belle fleur semblable à une tulipe », et de la fleur, « une toute petite fille, à peine plus haute qu’un pouce. Aussi l’appela-t-elle Poucette ». Mais un crapaud, énorme et visqueux », enlève Poucette, endormie dans sa coquille de noix. Sera-t-elle contrainte à épouser son fils, de servir de bonne au rat des champs ? Pire encore, d’épouser Monsieur Taupe ? Heureusement, une petite hirondelle qu’elle avait soignée, compatissante, l’emporte d’un coup d’aile dans un pays ensoleillé où règne le prince des fleurs.
D’origine danoise, l’artiste Mette Ivers a donné des couleurs légères et raffinées à ce conte qui serait bien cruel s’il ne se terminait par l’apothéose de Poucette, dotée d’ailes par son prince pour voler avec lui de fleur en fleur.

Dès 7 ans

Hans Christian Andersen, Poucette, illustrations de Mette Ivers, L’Etagère du bas, 2022, 40 p., 15,50 € — Traduit du danois par David Soldi, traduction « légèrement revue par Mette Ivers » dit l’éditeur. Imprimé en Europe.

Clare Helen Welsh, Vers le Sud

« Au-dessus des eaux glacées de l’Arctique, le soleil est plus pâle et le ciel un peu moins bleu. Une fine couche de givre fait scintiller le sable et les rochers du rivage.
Une petite sterne à tête noire déploie ses ailes.
Haut… plus haut… elle vole de plus en plus haut… dans le ciel à la recherche de l’été.
Il est temps de partir vers le sud pour y passer l’hiver. »
Cette dernière phrase va rythmer joliment tout l’album, au fur et à mesure des rencontres que fait notre petite sterne arctique : les baleines à bosse, les rennes (ou des caribous), les oies sauvages (qui sont ici des bernaches), les tortues luths, les papillons monarques… Tous vont partir vers le sud, dans une grande traversée des Amériques. Si les caribous ne font « que » 950 km, les monarques en font 4500 et les tortues luths jusqu’à 6000. Quant à la sterne arctique, elle fait, dans sa vie, si tout va bien pour elle, « l’équivalent de trois allers-retours de la Terre à la Lune ». Parce qu’un beau matin, « il est temps de partir vers le nord pour y passer l’été ».
A la suite d’un récit très poétique, deux pages plus documentaires et une carte expliquent en termes clairs ce phénomène des grandes migrations animales, à la recherche de chaleur, de lumière et de nourriture. Les illustrations, très fines, nous font parcourir avec dynamisme dans les grands espaces américains.

Dès 5 ans

Clare Helen Welsh, Vers le Sud, illustrations de Jenny Løvlie, Kimane, 2022, 48 p., 14,95 € — Traduit et adapté de l’anglais (nord-américain). Imprimé en Chine

Jiri Dvorak, Comment dorment les animaux

« Ah dites-moi Maman comment le marabout s’endort ? Vous l’ignorez encore… Le marabout s’endort, Maman, debout sur une patte, comme les acrobates », cette comptine me trotte dans la tête en regardant ce superbe album. Point de marabout, ni d’ange gardien pour lui tenir l’autre patte, mais des informations scientifiques tout à fait épatantes pour en savoir plus sur la manière dont dorment seize animaux.
Pélican, loutre, bourdon, chat, girafe… Certains ne dorment que quelques minutes par jour, d’autres passent les deux tiers de leur vie à somnoler. Certains s’enfoncent dans l’eau, d’autres se tiennent en équilibre sur une patte. Certains se nichent dans une fleur, d’autres se protègent en s’enfermant dans une bulle… Alors, quand le petit d’homme va se coucher, sur combien d’heures de sommeil peuvent compter ses parents ?
A des textes qui se lisent facilement à voix haute répondent des dessins très colorés, qui attireront l’œil des petits curieux.

Dès 5 ans

Jiri Dvorak, Comment dorment les animaux, illustrations de Marie Stumpfova, Editions La Partie, 2022, 40 p., 16,90 € — Traduit du tchèque par Anaïs Raimbault. Imprimé en Lettonie

Jean de La Fontaine, Fables

Choisir des Fables répond à peu près toujours à un savant dosage entre fables connues et archi-connues, et fables moins souvent apprises ou carrément oubliées. Ce recueil a bien compris la recette : entre « Le Lièvre et la Tortue » et « Le Lion et le Rat », il est bien agréable de lire « Le rat et l’Huître » ou « L’Eléphant et le Singe de Jupiter ». J’avais oublié que Jupiter eût un singe !
Même si la plupart des œuvres de Catherine Meurisse ne sont pas à mettre sous des yeux enfantins, ne boudons pas notre plaisir avec ses Fables ! Elle explique dans une page pleine d’à‑propos comment « les Fables agissent sur un dessinateur comme un appeau : on dresse l’oreille et on ne peut y résister. […] L’appel des Fables, c’est l’appel de la forêt. Forêt de roseaux et de buissons, de bêtes sauvages et d’animaux de ferme, de rois et de bergers, de paysannes et de déesses. Forêt d’images populaires, de morales bien connues. Des mythes, des chansons. » C’est bien cela, une tradition, n’est-ce pas ?

Dès 7 ans

Jean de La Fontaine, Fables, illustrations de Catherine Meurisse, Réunion des Musées nationaux, 2022, 80 p., 19,90 € — Illustrations gravées en France, album imprimé en Belgique.

Jesse Goossens, Grand Nord

« Je parcours près de 5000 km par an, soit plus qu’aucun mammifère terrestre ! Pas tout seul, heureusement, ce serait ennuyeux. Au printemps, mon troupeau rassemble cent mille rennes (appelés “caribous” au Canada), mais on a parfois vu des hardes cinq fois plus nombreuses. Il faut un bon moment pour que nous soyons tous passés – j’espère que tu n’es pas pressé. » Loup, élan, ours blanc, glouton, renne ou renard arctique font partie des grands animaux qui peuplent ce Grand Nord. Mais connaissez-vous le macareux huppé, l’eider à tête grise ou le starique cristatelle ? Ce dernier fait son nid « sur les côtes de petites îles, entre les pierres et dans les creux des rochers ». Le mâle est très élégant, avec sa crête de plumes et son bec jaune, qui vire à l’orange à la saison des amours, et avec sa douce odeur de… mandarine. Mais quel vacarme produit sa colonie ! Plus d’un million d’oiseaux qui gémissent, aboient, caquètent, grognent et claironnent à qui mieux mieux, cela doit s’entendre de loin !
Les portraits de 35 animaux des territoires arctiques ont été réalisés sous la forme de magnifiques gravures sur linoléum, en pleine page. Les textes, faciles à lire, foisonnent d’informations passionnantes. Vite, un bonnet, une doudoune bien chaude, et c’est parti pour le Spitzberg, la Laponie ou le Groenland !

Dès 7 ans

Jesse Goossens, Grand Nord, illustrations de Marieke ten Berge, Rue du Monde, 2022, 88 p., 21 € — Traduit du néerlandais par Catherine Tron-Mulder.

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi)

« Le 1er janvier, tous les ans, c’est pareil. C’est le Nouvel An. Je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau », voilà un exemple de ces jeux de mots qui plairont aux plus jeunes. Quelque part entre Petit Ours Brun et Mafalda, voici Monsieur Nourse, avec ses pulls pastel et ses cravates (oui, des cravates !) et son amie l’abeille. Sur chaque page, 3 strips de 3 cases comme autant de petites bandes-dessinées, et 3 questions hautement philosophiques que Monsieur Nourse se pose, nous pose, dans de brefs dialogues avec ladite abeille. Les pensées, le doute, les certitudes, mais aussi la gourmandise, l’hibernation ou les trucs inutiles… Sans oublier la solitude, l’amitié, les décisions, ou les indécisions. Mais « soi », « soi-même », qui est-on au juste ? Même si Monsieur Nourse n’est pas sûr de la réponse, au moins la question est-elle posée !

Dès 5 ans

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi), illustrations d’Alice de Nussy, Grasset Jeunesse, 2022, 32 p., 18,90 € — Imprimé en Espagne

S. Corinna Bille, Petits Contes de Noël

« J’aimais beaucoup la maison de ma grand-mère. C’était une drôle de maison tellement pleine de choses qu’il n’y avait plus place pour un seul grain de poussière, disait-elle. Mais j’aimais par-dessus tout la crèche de verre. » A force de la regarder de loin, puis de (trop) près, voilà que la fillette « toucha la vitre qui vola en éclats. Complètement abasourdie, » elle se retrouva… dans la crèche, à s’entretenir avec Joseph et Marie. Ou n’est-elle que tombée de la chaise ? De ces neuf petits contes de Noël se dégage une douce nostalgie : en hiver, il fait froid, on peut tomber malade, attendre la neige ou se perdre dans la nuit. On peut aussi rêver de ne plus être seul, ou ne pas vouloir rester dans son carton comme cette si belle poupée. Et sous la plume de Corinna Bille (1912–1979), même le Père Noël photographe des grands magasins a droit à notre bienveillance… Certains contes se prêteront fort bien à une lecture à voix haute devant la cheminée.

Dès 12 ans –certains contes sont à lire à voix haute en famille

Corinna Bille, Petits Contes de Noël, illustrations de Hannes Binder, La Joie de Lire, coll. « La petite bibliothèque de S. Corinna Bille », 78 p., 14,90 € — Imprimé en Lettonie

 

Alex Haridi et Cecilia Davidsson, Moomin et le chapeau magique

Moomin « ne savait pas ce qu’il cherchait, juste que ça devait être quelque chose d’exceptionnel. Quand il aperçut un chapeau haut de forme, il sut que c’était ça.
— Il est si beau ! dit Moomin. Papa le voudra sûrement.
— Attends, dit Mumrik en touchant prudemment le grand chapeau. Ça ne m’a pas l’air d’être un simple chapeau. »
Faisant fi de toute prudence, nos jeunes amis rapportent ce chapeau à la maison – et, bien sûr, les aventures les plus loufoques vont s’enchaîner. Mais à qui appartient-il au juste, ce chapeau ?
Les Moomins vont partie de l’imaginaire des petits Suédois, au même titre, par exemple, que Babar chez nous. Créés par Tove Jansson (1914–2001), ces trolls aussi attachants que loufoques continuent à vivre, portés par la créativité de jeunes artistes suédois férus de nature et de fantaisie.

Dès 5 ans

Alex Haridi et Cecilia Davidsson, Moomin et le chapeau magique, illustrations de Cecilia Heikkilä, Cambourakis, 2022, 14,25 € — Traduit du suédois par Catherine Renaud. Imprimé en Lettonie.

Mes premières expériences scientifiques

Comment faire briller une vieille pièce de 2 centimes ? Comment mélanger des couleurs sans pinceau ? Comment faire danser des raisins secs dans un verre d’eau ? Comment fabriquer du beurre ? Cet album propose plus de 50 expériences à réaliser avec les moyens du bord tant en physique et en chimie qu’en biologie et même en astronomie. Les dessins sont clairs, et drôles ; les explications faciles à mettre en œuvre. La présence bienveillante d’un adulte peut s’avérer nécessaire, mais quelle satisfaction quand l’expérience a réussi ! Les « vrais » savants auront même la patience de recommencer pour vérifier si leur résultat n’est pas le seul fruit du hasard.

Dès 7 ans

Collectif, Mes premières expériences scientifiques, illustrations de Petra Baan et Diego Funck, Usborne, 2022, 64 p., 13,95 € — Traduit de l’anglais. Imprimé aux Emirats Arabes Unis

Astrid Lindgren, Un Noël enchanteur

« La veille de Noël est un jour étrange à mon avis. Toute la journée, on doit attendre, encore et encore. Gunnar et moi, nous nous sommes faufilés dans le salon et avons tâté tous les cadeaux qui se trouvaient dans la panière à linge.
— Crois-tu que tu auras un cadeau enchanteur ? a demandé Gunnar.
Car figurez-vous qu’un cadeau enchanteur est le plus merveilleux des cadeaux. »
Nous sommes en 1913, et Astrid, qui ne sait pas encore quelle sera sa célébrité, a six ans et, à six ans, préparer Noël, au fin fond de la Suède, c’est toute une aventure. Il y faut un sapin, bien sûr, décoré de bougies et de drapeaux en papier, il y faut des oranges et des noix, des chants et du riz au lait… de la neige et un peu de magie ! Facile, grâce au crayon malicieux de Cécilia Heikkilä et à ses couleurs chaudes comme du pain d’épices.
Chers parents, le truc de la panière à linge étant éventé, à vous de trouver où cacher les cadeaux !

Dès 4 ans

Astrid Lindgren, Un Noël enchanteur, illustrations de Cecilia Heikkilä, Cambourakis, 2022, 32 p.,15 € — Traduit du suédois par Catherine Renaud. Imprimé en Lettonie