Thème

Bandes dessinées

Pierre-Emmanuel Dequest, L’appel de la forêt

Une belle bête, ce Buck, un chien volé, qui n’a jamais été attaché. Qu’à cela ne tienne, Buck va passer entre les mains d’hommes sans foi ni loi, avant d’être revendu à un aventurier partant pour le Klondike. Dès les premières pages de cette bande dessinée, Pierre-Emmanuel Dequest plonge le lecteur dans l’atmosphère violente et sans pitié de la ruée vers l’or de 1896.
Adaptant le célèbre roman de Jack London, il décrit en images somptueuses cette vie âpre et dure, où la cruauté des hommes répond à un monde sauvage et sans limites. Buck, chien domestique attelé à un traîneau, va connaître le supplice de la piste et devoir s’adapter pour survivre. Quand son maître disparaît, c’est dans une meute de loups qu’il va trouver sa place. A lire aussi, l’adaptation de Croc-Blanc par Pierre-Emmanuel Dequest, qui raconte le cheminement inverse, du chien-loup sauvage vers sa domestication.

Dès 10 ans

Pierre-Emmanuel Dequest, L’appel de la forêt, dans les traces du loup, d’après l’œuvre de Jack London, Plein Vent, 2023, 48 p., 15,90 € — Imprimé en France

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi)

« Le 1er janvier, tous les ans, c’est pareil. C’est le Nouvel An. Je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau », voilà un exemple de ces jeux de mots qui plairont aux plus jeunes. Quelque part entre Petit Ours Brun et Mafalda, voici Monsieur Nourse, avec ses pulls pastel et ses cravates (oui, des cravates !) et son amie l’abeille. Sur chaque page, 3 strips de 3 cases comme autant de petites bandes-dessinées, et 3 questions hautement philosophiques que Monsieur Nourse se pose, nous pose, dans de brefs dialogues avec ladite abeille. Les pensées, le doute, les certitudes, mais aussi la gourmandise, l’hibernation ou les trucs inutiles… Sans oublier la solitude, l’amitié, les décisions, ou les indécisions. Mais « soi », « soi-même », qui est-on au juste ? Même si Monsieur Nourse n’est pas sûr de la réponse, au moins la question est-elle posée !

Dès 5 ans

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi), illustrations d’Alice de Nussy, Grasset Jeunesse, 2022, 32 p., 18,90 € — Imprimé en Espagne

Jean-François Vivier, Premier de Cordée, Intégrale du cycle de Chamonix

Premier de Cordée, La Grande Crevasse, Retour à la montagne : la célèbre trilogie chamoniarde de Roger Frison-Roche a été adaptée de mains de maîtres en bandes dessinées. Au scénario, Jean-François Vivier ; au dessin, Pierre-Emmanuel Dequest. Une cordée de choc pour faire revivre les aventures héroïques du grand alpinisme des années 1930. D’orages en chutes de pierres, de cordes rompues et crevasses sournoises, tout ce qui peut se passer de pire en montagne donne aux hommes l’occasion de se dépasser, de faire preuve de courage et d’abnégation. Pour le côté romanesque, la jolie Brigitte, citadine mal acceptée par les montagnards, saura prouver ses qualités d’alpiniste – mais le destin sera bien cruel envers elle.
Pierre-Emmanuel Dequest a su recréer l’atmosphère de l’époque, autant dans les costumes et le matériel que dans les techniques utilisées ; ses personnages sont très crédibles, avec leurs visages expressifs et leurs silhouettes déterminées. Ils sont néanmoins dépeints avec ce je-ne-sais-quoi qui permet au lecteur de se sentir accepté dans les refuges comme à la ferme, dans ce magnifique massif du Mont-Blanc. Car la grande héroïne, c’est bien sûr la montagne. Et là, couvrez-vous bien, ça dépote ! Neige, glace et granit alternent avec le vert des alpages et des forêts, dans des cadrages d’une rare efficacité. Messieurs, chapeau !

Adolescents

Jean-François Vivier, Premier de Cordée, l’intégrale du cycle de Chamonix, illustrations de Pierre-Emmanuel Dequest, Editions Plein Vent, 168 p., 29,90 € — Imprimé en France

Jean-François Vivier, La patrouille du Faucon – Drame en Dordogne

Pour Léo et sa patrouille, le camp d’été s’annonce magnifique avec la descente de la Dordogne en radeau. Charlie, qui est maintenant bien intégré à la patrouille du faucon (voir le tome 1, Vol à la Grande Chartreuse), va vivre un moment fort de la vie scoute : la promesse. Mais, les événements pourraient bien se gâter, avec l’arrivée de nuages noirs.
En effet, comme leur annonce un gendarme, « le préfet a déclenché l’alerte inondations. Vous ne pouvez pas aller plus loin. » Le temps d’arrimer les radeaux, et les scouts rejoignent un gymnase, bien déçus de ne pouvoir continuer leur aventure. Mais l’eau monte encore… Les radeaux et surtout le courage et l’énergie de la patrouille vont être mis à l’épreuve de la « vraie vie » ; il s’agit en effet de sauver des vies…
Adepte de la ligne claire, Romuald Gleyse donne des visages et des silhouettes très sympathiques aux jeunes héros de cette bande dessinée scoute.

Dès 8 ans

Jean-François Vivier, La patrouille du Faucon – Drame en Dordogne, illustrations de Romuald Gleyse, Plein Vent, 2022, 48 p., 14,90 € — Imprimé en France

Coline Dupuy et Davide Perconti, Jehanne d’Arc

À l’aube de sa mort, le 30 mai 1431, Jehanne d’Arc reçoit la visite d’un dominicain, Frère Martin Ladvenu, et lui confesse sa vie. Vers l’âge de 13 ans, tandis que le royaume de France est sous la domination des Anglais alliés aux Bourguignons, cette jeune fille de Lorraine est missionnée par des « voix », celles de l’archange saint Michel, de sainte Catherine d’Alexandrie et de sainte Marguerite d’Antioche. Celles-ci lui annoncent qu’elle devra délivrer Orléans et faire sacrer le dauphin Charles VII. Ayant obtenu quatre ans plus tard une petite troupe du capitaine de Vaucouleurs, Jehanne commence alors sa célèbre épopée…
Bravant le secret de la confession pour que nous puissions entendre la voix de Jeanne, l’artifice littéraire plutôt convenu est vite oublié au bénéfice d’un rythme toujours soutenu. Le lecteur passe sans à‑coup  — mais non sans nostalgie — des souvenirs de Jeanne aux dialogues des personnages mis en scène par Davide Perconti. Il donne à Jehanne une silhouette et un visage où la fraîcheur, la volonté, le courage et la foi s’expriment sans mièvrerie aucune. Les dessins et la mise en page sont sobres, d’une grande clarté, jusque dans le choix de la typographie, ce qui rend l’ouvrage aisément lisible par des enfants. Le scénario, dû à Coline Dupuy, transpose en BD Le Roman de Jeanne d’Arc de Philippe de Villiers, en gardant une langue soutenue et parfois imagée : « Nous serons une chevalerie, pas une crapaudaille », explique ainsi la Pucelle à « messieurs les capitaines », sous les murs de Blois. Les pages de garde présentent une carte du royaume de France en 1430, avec le parcours de Jehanne.

Dès 10 ans

Coline Dupuy et Davide Perconti, Jehanne d’Arc, Plein Vent, 2022, 48 p., 14,90 € — Imprimé en Lettonie

Philippe Cenci et Patrick de Gmeline, Notre-Dame, des flammes à la renaissance

Paris, 15 avril 2019, 18 h 18, une alarme retentit dans la cathédrale. Personne n’imagine encore que, quelques heures plus tard, la flèche va s’effondrer. Le monde entier est sous le choc. Après l’incendie, vient le temps de l’enquête, puis celui des premiers travaux de consolidation. A la grande question qui suit, restauration à l’identique ou « geste d’architecture » sera répondu, in extremis, restauration à l’identique, au moins pour l’aspect extérieur, toitures et flèche. Cette bande dessinée conçue par Philippe Cenci et dont le scénario est signé Patrick de Gmeline, historien militaire, revient sur la chronologie des événements, mais rend aussi hommage tant aux pompiers de Paris qu’aux compagnons, tout en traçant les portraits, pas toujours flatteurs, de la classe politique française. L’ouvrage, documentaire, se veut aussi une fenêtre ouverte sur l’espérance de revoir battre, comme avant, le cœur de Paris.

Dès 12 ans

Philippe Cenci et Patrick de Gmeline, Notre-Dame, des flammes à la renaissance, Editions du Triomphe, coll. Le vent de l’histoire, 2021, 40 p., 15,90 €

Derib et Job, Yakari chez les castors

Après avoir remonté la rivière, Yakari, monté sur son ami Petit-Tonnerre, voit affleurer un barrage de branches. « Là-bas, on peut retraverser à gué ! » Mais voilà qu’il se fait interrompre ! « Hé ! vous deux ! Ne vous gênez pas !! Casseurs ! Démolisseurs ! C’est comme ça que vous respectez le travail des autres ? » Tout cela en très gros caractères, ce qui signifie, en code BD, que le personnage est très, très en colère. En fait de personnage, c’est un castor, « Mille-Gueules » le bien nommé, qui a alpagué notre jeune Indien. Une bande dessinée très vintage, dans une série toujours appréciée des jeunes lecteurs.

Dès 7 ans

Derib et Job, Yakari chez les castors, Le Lombard, 2000, 46 p. D’occasion chez un bouquiniste des quais de Paris

Natsuko Wada, Marie-Antoinette (1755–1793)

« Après son départ, Maria Antonia ne revit plus jamais sa mère. Le très long cortège qu’elle emmena avec elle… arriva à mi-parcours entre l’Autriche et la France au bout de deux semaines. Pour cette occasion, un bâtiment avait été construit sur une île du Rhin… où Maria Antonia fut confiée à des personnes venues la chercher depuis la France. » Et c’est ainsi que la jeune et insouciante archiduchesse d’Autriche Maria Antonia s’apprêtait à devenir Marie-Antoinette, reine de France. Cette collection des « grands noms de l’histoire en manga » continue son pari : proposer un récit fidèle à l’histoire, dans un style de narration typique du manga. Au fil du récit, les dessins de Mamoru Kurihara se font de plus en plus sobres et respectueux de la fin tragique de Louis XVI et de Marie Antoinette, même s’ils apportent une touche assez irréelle et décalée de notre histoire de France. A la fin du volume, les jeunes lecteurs curieux – ou sollicités pour un exposé – trouveront un dossier pédagogique bien monté, entre frise chronologique et reproductions d’œuvres d’art.

Dès 8 ans

Natsuko Wada, Marie-Antoinette (1755–1973), illustrations de Mamoru Kurihara, Pika Edition — Nobi Nobi, coll. « Les grands noms de l’histoire en manga », 2020, 160 p., 7,90 € — Adapté et traduit du japonais. Imprimé en France. A feuilleter ici.

Pierre-Emmanuel Dequest, Croc-Blanc, un monde sauvage, d’après Jack London

« Allez… Allez les chiens ! » D’une page où souffle le vent glacial du Grand Nord, émergent deux hommes, un traîneau, un attelage. Bientôt, les loups affamés rodent autour du campement à peine éclairé par le feu. Brrr… Pierre-Emmanuel Dequest plonge directement le lecteur au cœur de l’hiver et de la vie sauvage, dans ce Wild, mot intraduisible s’il en est. Cette adaptation en bandes dessinées — ou plutôt en « roman graphique » du célèbre Croc-Blanc de Jack London exprime toute l’énergie contenue dans un roman parfois édulcoré pour les jeunes lecteurs. Ici, pas de pitié, le sang coule, les pionniers sont d’une rare brutalité, la nature est violente, impitoyable. Cela donne encore plus de sens à la rencontre providentielle de Croc-Blanc et de Weedon Scott : contact de cet homme juste, l’animal va apprendre le respect et la confiance, au prix néanmoins de sa liberté. Un grand classique de la littérature américaine, entre violence et espoir d’un monde meilleur.

Adolescents

Pierre-Emmanuel Dequest, Croc-Blanc, un monde sauvage, d’après Jack London, Editions du Rocher, 2020, 56 p., 14,90 € — Imprimé en Pologne

Atsuo Sugaya, Napoléon – 1769–1821

« — Ohé ! Napoleone !
— Oui !!
C’est bientôt l’heure du départ.
— Entendu, père. »
Accompagné de son frère Joseph, le jeune garçon de 9 ans s’embarque pour un pays dont il ne connaît pas grand-chose : la France. Du collège de Brienne, où Napoléon dirige une mythique bataille de boules de neige, à sa mort à Sainte-Hélène, ce récit narre fidèlement la geste napoléonienne. Les dessins sont simples et épurés, le texte clair.
Ce manga est complété d’un dossier pédagogique reprenant le contexte historique, une chronologie et la reproduction de quelques tableaux célèbres. Comme le précise non sans humour ce dossier, « en devenant un héros de manga, Napoléon est globalement montré à son avantage, tant du point de vue graphique que dans son comportement ». Le mythe reste donc bien présent, avec un fond de naïveté qui rappelle les ouvrages scolaires des années 1950. Attention seulement au sens de lecture, mais les habitués de manga ont déjà pris le pli.

Dès 8 ans

Atsuo Sugaya, Napoléon – 1769–1821, dessins de Tatsuyoshi Kobayashi, 2020, Pika édition, Nobi Nobi !, coll. « Les grands noms de l’histoire en manga », 7,90 € — Traduit du japonais. Imprimé en France

Yvon Bertorello et Boris Talijancic, Ad Romam, Le trophée d’Auguste

Antoine, Agathe, Blaise et Julia : quand ces quatre lycéens, par une belle nuit d’été, font le mur pour explorer le trophée d’Auguste, à La Turbie, ils ne se doutent pas des aventures extraordinaires qui les attendent. Par la vertu d’une pièce frappée à l’effigie de l’empereur, Antoine, le premier, va se retrouver en 16 avant J.-C., vêtu d’une cuirasse et armé d’une épée courte pour faire face à l’ennemi. Des allers et retours entre notre époque et les temps anciens permettent de scénariser astucieusement l’histoire de La Turbie et des environs. Car Antoine finira par persuader ses amis de le suivre dans ces sauts de temps. Ses amis et même son professeur d’histoire, intrigué par les fulgurants progrès de son élève.

Adolescents

Yvon Bertorello et Boris Talijancic, Ad Romam, Le trophée d’Auguste, Editions du Rocher, 2020, 60 p., 15,90 € — Imprimé en France

Virgile Dureuil et Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie

« Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de route d’accès, parfois, une visite. L’hiver, des températures de – 30 °C, l’été, des ours sur les berges. Bref, le paradis. » Du journal d’ermitage rédigé par Sylvain Tesson (Gallimard, 2011), Virgile Dureuil a tiré une bande dessinée, un premier livre qui augure bien de son talent. D’une part, il a tiré la quintessence du récit de Tesson, la moelle de la moelle ; d’autre part, il a mis en images les ambiances, les couleurs, les paysages si particuliers du lac Baïkal : bleus de la glace, blancs de la neige, bruns des forêts et des cabanes… Un voyage intérieur aussi, au bout d’un monde où le thé, les ombles, les blinis et la vodka n’ont pas le même goût qu’ailleurs. Puisse-t-il rester, sur les rives de cet immense lac, quelques criques sauvages et inaccessibles au tourisme mondialisé.

Adolescents

Virgile Dureuil et Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Casterman, 2019, 112 p., 18 € — Imprimé en France