Thème

Philosophie, religion, réflexions

Louise Guillemot, Super Poli à la rescousse !

Ou, dit le sous-titre, « le pouvoir de rendre la vie plus jolie ! Bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci, pardon… », avec l’aide bienveillante de Super Poli, le super-héros aux pouvoirs magiques. Du pays des Impolitains au royaume de Potlatch en passant par le Pays Froid, il n’a pas son pareil pour éviter les conflits ou rabibocher les humains levés du mauvais pied. Il vient même en aide à l’éléphant Phare, bien maladroit dans la boutique de son amie la souris Adèle Hicatte. Ses armes ? Quelques simples mots : Bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci, pardon. Et aussi, soyons sérieux, une « cape réfléchissante pour renvoyer les rayons de soleil et une combinaison en velours avec revers en dentelle », sans oublier un « sabre pour couper en rondelles les méchants qui coupent la parole ». Après ses récits inspirés de l’Antiquité grecque, Louise Guillemot s’adresse ici aux plus jeunes, avec un humour philosophique bien à elle, qui saura convaincre les plus récalcitrants. Merci Louise Guillemot et merci aussi à Anna Griot pour ses illustrations pleines de vie et de couleurs !

Dès 4 ans

Louise Guillemot, Super Poli à la rescousse !, illustrations d’Anna Griot, Mame, 2023, 48 p., 13,90 € — Imprimé en Roumanie

Geert de Sutter, La vie au Mont-Saint-Michel

Revenus de Compostelle, Sara, Simon et leurs amis ont entrepris un nouveau pèlerinage : les voici prêts à traverser la baie du Mont-Saint-Michel. Après avoir parcouru le village, ils sont accueillis par les moines. Entre les travaux sur les remparts, la copie des manuscrits, le potager et les pèlerins, la communauté monastique a fort à faire ! Que de détails au fil des pages, dans lesquelles il s’agit bien sûr de retrouver Sara, Simon, Félix, Estelle, les deux chats et même le bouquetin Quentin, sans oublier le moine Baudouin et le cochon Fripon.
Une manière ludique de découvrir le Mont-Saint-Michel, dont on fête cette année le millénaire – plus précisément le millénaire de la pose de la première pierre de l’église abbatiale, car le mont avait été occupé par des ermites, dès le Vie siècle.

Dès 4 ans

Geert de Sutter, La vie au Mont-Saint-Michel, coll. « herche et trouve Sara et Simon », Mame, 2023, 32 p., 11,90 € — Imprimé en Espagne

Clotilde Jannin, Charles de Foucauld

Fanfaron, insolent, dépensier, désobéissant et (…censure, on ne dit pas « libertin » dans une biographie à l’usage des collégiens), le jeune Charles de Foucauld est presque une caricature des dandys de la fin du XIXe siècle. Passionné et rebelle, le sous-lieutenant de cavalerie démissionne de l’armée à 23 ans pour aller explorer le Maroc, voyage qui lui permet de se confronter avec la « vie à la mode arabe », frugale et détachée des biens matériels, d’autant plus qu’il se travestit pour accompagner un rabbin. Lisant l’hébreu et l’arabe, il découvre alors la religiosité intense des mondes juifs et musulmans.
Néanmoins, et sous l’influence d’une cousine, c’est au catholicisme qu’il se convertit et, à 28 ans, prenant la décision d’imiter le Christ de manière radicale. Il s’installe auprès des Touaregs, en plein cœur du Sahara. Son projet semble simple : vivre dans le dénuement, comme un ermite, devenir un exemple. Ayant choisi de rester auprès des Touaregs malgré la guerre, il est assassiné le 1er décembre 1916 par des pillards.
Brossant à grands traits la biographie de cet homme d’une rare complexité, Clotilde Jannin, jouant avec les codes d’une littérature édifiante aux accents parfois un peu démodés, offre aux jeunes lecteurs de découvrir une personnalité captivante mais aussi de voyager dans un Sahara encore parcouru à dos de chameau par les Touaregs, ces impressionnants hommes bleus.

Dès 12 ans

Clotilde Jannin, Charles de Foucauld, Editions de l’Emmanuel, 2022, 196 p., 13,90 € — Imprimé en France

Kobi Yamada, Ose !

« Comment est-ce qu’on arrive à faire ça ? » se demande un enfant devant la statue sur laquelle le sculpteur travaille. « Il suffit de s’y mettre. Toi aussi, tu peux le faire », répond l’artiste. Au fil des pages, et des jours, vont alterner le doute, l’effort, les échecs, la peur de l’échec, l’espoir, les déceptions, le courage de recommencer, jusqu’à atteindre son but… Les illustrations en noir et blanc d’Elise Hurst laissent de nombreux espaces ouverts pour rêver et méditer. Par l’auteur des best-sellers Un jour j’ai eu une idée et Un jour j’ai eu de la chance, cet album émouvant fera voyager les petits et les grands – plus les grands que les petits, car si le texte n’est pas long, il est très dense et prégnant. Un joli coup de pouce pour convaincre ceux qui n’osent pas faire le premier pas.

Dès 8 ans

Kobi Yamada, Ose !, illustrations d’Elise Hurst, Le Lotus et l’Eléphant, 2022, 48 p., 15 € — Traduit de l’anglais. Imprimé en France

Marguerite Souchon, Comment Dostoïevski fut sauvé

« A la vue de l’écrivain égaré, le vacarme cesse et tous les enfants se tournent vers lui, comme une petite armée, attendant un geste de leur maître pour donner l’assaut.
“Je cherchais la sortie du souterrain… Je m’appelle Fiodor…”, bredouille Dostoïevski.
“Et moi, Nikolaï Stavroguine”, répond d’une voix caressante l’ombre sur le trône, qui s’avère être un homme vêtu de noir. »
Cela ne vous fait pas dresser les poils sur les bras ? Un personnage de roman qui s’adresse à son auteur, déjà bien perturbé, brrr… Car avant cet épisode, Marguerite Souchon a conté comment Dostoïevski a subi un simulacre d’exécution, puis a été envoyé au bagne, dont il tente de s’échapper par ce fameux souterrain. Et que Stavroguine ne va-t-il pas demander à son auteur pour lui permettre de recouvrer sa liberté ? Mais il faut bien en passer par cet épisode terrifiant pour, littéralement, revivre quand arrive « un homme de haute taille, aux cheveux flottant sur une sorte de manteau de pèlerin. Nul ne l’a jamais vu, et pourtant tous le reconnaissent ». Un homme qui va opérer un miracle. Le peintre François-Xavier de Boissoudy soutient ce récit à bout de bras – on serait tenté de dire « à bout de pinceaux » : des lavis plus sombres que la nuit alternent avec d’autres, vibrants d’un brasier intérieur dont on se demande jusqu’où on peut l’approcher sans crainte de se brûler… Difficile de pousser plus loin la réflexion sur le bien, le mal, la liberté, la foi et le pardon.

Pour adolescents « solides »

Marguerite Souchon, Comment Dostoïevski fut sauvé, illustrations de François-Xavier de Boissoudy, Les Petits Platons, 2023, 64 p., 16 € — Imprimé en République Tchèque

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi)

« Le 1er janvier, tous les ans, c’est pareil. C’est le Nouvel An. Je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau », voilà un exemple de ces jeux de mots qui plairont aux plus jeunes. Quelque part entre Petit Ours Brun et Mafalda, voici Monsieur Nourse, avec ses pulls pastel et ses cravates (oui, des cravates !) et son amie l’abeille. Sur chaque page, 3 strips de 3 cases comme autant de petites bandes-dessinées, et 3 questions hautement philosophiques que Monsieur Nourse se pose, nous pose, dans de brefs dialogues avec ladite abeille. Les pensées, le doute, les certitudes, mais aussi la gourmandise, l’hibernation ou les trucs inutiles… Sans oublier la solitude, l’amitié, les décisions, ou les indécisions. Mais « soi », « soi-même », qui est-on au juste ? Même si Monsieur Nourse n’est pas sûr de la réponse, au moins la question est-elle posée !

Dès 5 ans

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi), illustrations d’Alice de Nussy, Grasset Jeunesse, 2022, 32 p., 18,90 € — Imprimé en Espagne

Mathias Jeschke, Une bouteille à la mer

Mathias Jeschke, Une bouteille à la mer

« J’avais jeté une bouteille à la mer. Marius l’avait trouvée et m’avait écrit en retour. Entre ces deux moments, plus de dix ans s’étaient écoulés », et la bouteille avait parcouru pas moins de 400 miles marins (soit 750 kilomètres), tout au long des côtes de Norvège. Cette bouteille, c’est aussi le début d’une belle amitié entre le narrateur et ce jeune Norvégien qui n’était pas né quand la bouteille avait, par jeu, était lancée par-dessus bord.
Au fil des pages – j’allais dire des vagues -, on en apprend aussi un peu plus sur le Gulf Stream, le jour polaire ou l’alphabet morse. Les dessins au crayon sont gais et lumineux, les enfants sont emmitouflés dans de superbes jacquards et les canots sont rutilants.
Mais cette « bouteille à la mer », pour ceux qui aiment les eaux plus profondes, est un de ces contes qui posent de belles questions sur le hasard, l’immensité, le temps, l’espoir, l’amitié. Bref, sur la grande aventure de la vie. Vue d’Allemagne par un théologien heureux.

A partir de 5 ans

Mathias Jeschke, Une bouteille à la mer, illustrations de Katja Gehrmann, Sarbacane, oct. 2010, 32 p., 15,50 €

Anne Waeles, Simone Weil au royaume des Oublieux

Le bac philo est passé – et me voilà à parler de philosophie ? Eh oui, car cette introduction à la pensée de Simone Weil (1909 – 1943), étant plus une fable qu’un cours théorique, peut se lire ben au-delà d’un programme scolaire parfois indigeste.
Au Royaume des Oublieux vivaient deux tribus séparées : celle des Têtes, qui commandaient, et celle des Mains, qui exécutaient. La Brigade de la Gomme veillait. Mais un jour, les Mains se mirent en grève et la propre fille du roi des Oublieux, la princesse Amal, disparut de Têtes-ville…
Cette histoire, contée par Anne Waeles, professeure de philosophie, ouvre sur une réflexion sur l’enracinement, l’attention aux autres, la justice et le sens du travail… Car la princesse Amal, au cœur de la Forêt Noire, a rencontré non pas une sorcière, mais une grande dame de la philosophie : Simone Weil, qui lui explique ceci avec des mots simples :
«  — Quand on veut découvrir une vérité coûte que coûte, il faut parfois sortir de chez soi. C’est ce que tu as fait, en prenant la voie qui t’a conduite jusqu’ici. Mais il existe un autre chemin. Ce chemin, c’est d’exercer… son attention. […] Faire attention, ce n’est pas se concentrer. Ce n’est pas vraiment un effort, il faut plutôt se rendre disponible, se tenir prêt à accueillir la vérité. »
Ce nouveau volume vient étoffer cette riche collection consacrée aux grands philosophes – et celui-là est particulièrement bienvenu dans ces temps agités où les Têtes et les Mains ont du mal à s’entendre, au grand bénéfice des Gommeux.

Dès 10 ans

Anne Waeles, Simone Weil au royaume des Oublieux, illustrations de Magali Dulain, Les Petits Platons, 2022, 64 p., 14 € — Imprimé en Union Européenne.

Isabelle Stock, La Promesse d’Hermine

« — On doit déchiffrer ce truc, de toute façon, déclara Léonie. Qui est forte en codes ?
— On va vérifier tous ceux qu’on connaît, annonça Jeanne.
— Je m’occupe des Œufs pourris ! s’exclama Léonie. C’est mon préféré ! Jeanne, tu as du papier et un crayon ?
— Il y a des œufs pourris ? sursauta Mary avec une grimace de dégoût.
— Non, Mary ! répondit Jeanne en riant. C’est un code. On change les lettres du message pour découvrir le sens. « Œufs pourris » signifie E pour I ! »
Après un premier camp haut en couleurs (tome 1), Hermine retrouve la patrouille du Koala pour une nouvelle année vécue dans le souvenir de la Grande Guerre. Entourée de Jeanne, Léonie, Olivia…, elle est bien décidée à être digne de la promesse qu’elle va prononcer. Mais entre le quotidien parfois agité de la maison et la vie de patrouille pas toujours simple, il n’est pas si facile de devenir la meilleure guide possible ! Après le succès du tome 1, les nouvelles aventures des filles du Koala font vibrer les jeunes lectrices avec cette image d’un scoutisme authentique vécu dans l’amitié, le don de soi et la joie. Une sympathique orientation catholique assumée, mais qui, en dehors de tout « entre soi », fait connaître de belles figures d’adolescentes.
Passionnée de scoutisme, mère de famille et professeur, Isabelle Stock signe le deuxième tome de la série « Les filles du Koala », qui en fera rêver plus d’une !

Dès 10 ans

Isabelle Stock, La promesse d’Hermine, illustrations de Juliette Vizzaccaro, Emmanuel Jeunesse, 2022, 280 p., 14,90 € — Imprimé en France

Geert de Sutter, Cherche et Trouve Sara et Simon sur les chemins de Compostelle

Que de monde au départ de Paris sur ce chemin qui n’est pas encore la rue Saint-Jacques ! Parmi la foule bigarrée, il s’agit de retrouver Sara (et sa poupée), Simon (et son lance-pierre), Félix, l’instituteur, et sa fille, Estelle – que mon petit-fils de 5 ans a nommé le papa et la maman, car il a du mal à comprendre que les enfants marchent sans surveillance ! -, sans oublier les deux chats et Quentin, le bouquetin.
Nous voilà plongés en plein Moyen Age, et, de ville fortifiée en abbaye, d’auberges en marchés, que d’aventures attendent nos amis ! Alors, quand les brigands menacent ou que la neige obstrue les cols… Douze grandes scènes très animées et riches en détails ponctuent ce pèlerinage – et nos yeux arriveront un peu fourbus au pied de la cathédrale !

Dès 5 ans

Geert de Sutter, Cherche et Trouve Sara et Simon sur les chemins de Compostelle, Mame, 2022, 32 p., 11,50 € — Imprimé en Roumanie

Sandrine Kao, Après les vagues

La mer. L’île. Explorer. Se perdre. Belle étoile. La rencontre. S’attacher. Se découvrir. Chaque page ou double page de cet album, en quelques images et si peu de mots, ne décline pas une simple « aventure », ou une « situation », mais suggère ce qui se passe au fond de nos cœurs quand on part à l’aventure, à la découverte de soi et des autres. Les « héros » en sont de petits animaux au contour très simple dont Sandrine Kao ne sait pas elle-même très bien si ce sont des lapins, des chiens ou des marmottes… J’y verrai plutôt quelques-uns des petits fantômes amicaux que nous a fait connaître le cinéma d’animation japonais (mais je n’y connais rien en fantômes asiatiques). Le titre, « Après les vagues », nous invite à tourner la page des derniers mois, à croire en nos rêves et à aller de l’avant. « Si quelque chose nous déplaît grimacer n’y changera rien. Un peu de recul, un conseil avisé, et l’amer devient sucré. » A déguster en famille, tranquillement…

Dès 4 ans, et pour tous les âges

Sandrine Kao, Après les vagues, Grasset Jeunesse, 2022, 40 p., 18,90 € — Imprimé en Espagne

Charlotte Grossetête, Les cloches du maître chocolatier et autres contes inédits

« Pâques approchait. Et cette année, la fête coïnciderait avec un anniversaire : Marthe et Marie, les cloches de l’église, allaient avoir cinq cents ans. Pour célébrer l’événement, Gautier avait eu l’idée de réaliser un modèle de cloches en chocolat les reproduisant fidèlement. » Partant de cette très louable initiative, Charlotte Grossetête entraîne peu à peu le lecteur dans une autre dimension. Car il suffit parfois d’un sourire pour changer la vie… surtout quand le tendre sourire de deux saintes femmes se déploie sur des cloches en chocolat !
Les lièvres de Pâques ? Nous les retrouvons batifolant dans la nuit polaire, à la recherche de la lumière – un phénomène encore mystérieux pour ces joyeuses boules de poils. Les œufs ? Ce sera l’occasion de rencontrer une princesse russe, vieille dame aveugle si digne dans sa solitude, à qui deux enfants rapportent un œuf de pierres précieuses « volé » par une pie. Ce sera aussi le thème d’un autre conte, où un œuf en chocolat offre son plus beau sourire – et bien plus encore – à un enfant des rues. Le cinquième conte nous entraîne dans la montagne, où un berger accueille un curieux visiteur, tout de blanc vêtu, parti chercher mille cloches à Rome.
Ces cinq contes, aux illustrations intemporelles et poétiques, transmettent avec subtilité et générosité les valeurs chrétiennes du temps pascal, avec un sens du merveilleux toujours très positif.

Dès 5 ans

Charlotte Grossetête, Les cloches du maître chocolatier et autres contes inédits, illustrations de Sara Ugolotti, Mame, 2022, 64 p., 17 € — Imprimé en Slovénie