Thème

Philosophie, religion, réflexions

Katie Daynes, La mort, c’est quoi ?

Katie Daynes, La mort, c’est quoi ?

Pourquoi meurt-on ? Peut-on parler de la mort ? Qu’arrive-t-il quand quelqu’un meurt ? Puis-je crier, pleurer, m’isoler ? Comment chasser la tristesse ? D’heureux souvenirs. Tels sont les thèmes des six doubles pages de cet album cartonné. Ces grandes questions se divisent en de multiples autres, et chaque réponse se cacher derrière un rabat. Les auteurs ont choisi de donner la parole à des animaux humanisés – habillés et évoluant dans « notre » monde. Néanmoins, la différence est bien faite entre « ce qui ne meurt pas » (les pierres, mon nounours) et les êtres vivants – dont nous sommes. Les questions métaphysiques restant ouvertes, les adultes auront tout loisir de commenter à leur manière. « Où est papi maintenant » ? s’inquiète le petit blaireau sous un parapluie noir. « Son corps est dans le cercueil, mais l’endroit où est parti le papi que tu connais et que tu aimes est un des grands mystères de la vie. On ne sait pas ce qui arrive après la mort. » Pour petit blaireau, « je crois que papi est devenu une étoile », et pour sa sœur « je crois qu’il a rejoint son propre papa ».  Un album à garder à portée de main en cas de coup dur dans son entourage, ou après un passage rituel au cimetière, comme c’est encore l’usage le lendemain de la Toussaint.

Dès 3 ans

Katie Daynes, La mort, c’est quoi ?, illustrations de Christine Pym, Usborne, coll « Mes premières questions », 021, 12 p. cartonnées avec des rabats, 9,95 € — Traduit de l’anglais par Virginie Clauzel et Caroline Slama. Imprimé en Chine.

Denis Peiron, Framboise ou citron ? A toi de choisir !

« VIVRE, C’EST CHOISIR. C’est faire des choix, beaucoup de choix pour aujourd’hui et pour demain, pour toute la vie.
Des choix de rien du tout. Ou bien des choix énormes, ENORMES. »
Parfois de tout petits choix : sucettes ou bonbons ? Piano ou guitare ? Glace à la framboise ou au citron ? Et parfois, des choix énormes : choisir de lutter pour ses idées, choisir d’aider les autres ou choisir de dire non… Choisir, c’est savoir faire fi de la frustration, c’est prendre des risques.
Des illustrations très colorées, des volets à déplier et une mise en page très rythmée, pour une réflexion philosophique bien menée, qui ouvre aussi au dialogue, car on n’est pas obligé d’être d’accord avec tout !

Dès 5 ans

Denis Peiron, Framboise ou citron ? A toi de choisir !, illustrations d’Hélène Druvert, Saltimbanque, 2023, 26 p., 26 € — Imprimé en Chine

Milvia, Dessine-moi…

« S’il te plaît, tu peux me dessiner un insecte ? » demande une voix à un enfant penché sur son cahier. Ou est-ce l’enfant qui demande à l’adulte ? Car voici la réponse : « Hmm… c’est pas facile de dessiner un insecte… Il y a au moins un million d’insectes différents… » et sur la page suivante, cafards, mouches, trichoptères (si si !), araignées et scorpions en sont la preuve. Alors, un coquillage ? un chien ? une fleur ? … une fille ? « Un album doux et subtil pour célébrer la diversité sous toutes ses formes », explique la 4e de couverture. J’ajouterais : une mise en garde contre le mot unique, et une ode à la précision scientifique. Quelle richesse de savoir nommer correctement les êtres vivants !

Dès 4 ans

Milvia, Dessine-moi…, illustrations de Simji Park, Le Diplodocus, 2023, 40 p., 13,50 € — Imprimé en République Tchèque

Anne Crahay, L’ours et le pinson

Pic pic pic ! Poc poc poc ! Réveille-toi, Ours ! J’ai quelque chose à te dire. Toute la forêt ne parle que de ça ! » Mais Ours ne se laisse pas mener par le bout du nez, même quand Pinson volette et pépie et l’agace un peu…
« Bien, bien, bien, dit l’ours. Avant toute chose, entre et prends place. Je vais faire bouillir de l’eau. Nous verrons si ce que tu as à me dire traverse la passoire à thé… » Et Ours, contre toute attente et en dépit de l’excitation de Petit Pinson, soumet la fameuse nouvelle aux trois tamis de la vérité, de la bonté et de l’utilité : le propos est-il aussi vrai que cette eau est brûlante ? aussi doux et bon que ce miel dans la tisane ? aussi utile que cette tasse avec laquelle on boit ? Non ? Alors Ours préfère ne pas l’entendre… Et peut-être Petit Pinson devrait-il l’oublier aussi…
Une histoire inspirée d’une fable de Socrate, pour aborder le thème de la rumeur et apprivoiser le silence. Une leçon de philosophie bienvenue, pour garder les pieds sur terre.

Dès 4 ans

Anne Crahay, L’ours et le pinson, Didier Jeunesse, 2023, 32 p., 13,50 € — Imprimé en France

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Capucine Lewalle, Pour que tu t’aimes en grand

« Viens mon enfant, viens dans mes bras te blottir, car j’ai un secret à te dire. Mon secret, il est précieux et le voici : il y a une personne, une seule et unique, avec qui tu passeras toute ta vie. Et cette personne, c’est toi. Alors je te donne pour mission de toujours t’aimer comme il se doit. » Voici un secret que les petits ne comprendront sans doute qu’à mi-voix, il a un côté « message secret » assez intrigant. Mais faites confiance aux petites graines semées dans le cœur des petits, elles sauront grandir et produire de beaux fruits ! Les silhouettes dessinées par Julia Spiers sont tendres et bienveillantes, et les décors fleuris tout doux. Accepter ses imperfections, ses bêtises, ses erreurs, c’est aussi prendre le chemin de la sagesse !

Dès 4 ans

Capucine Lewalle, Pour que tu t’aimes en grand, illustrations de Julia Spiers, Casterman, 2022, 32 p., 12,90 € — Imprimé en Belgique

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Louise Guillemot, Super Poli à la rescousse !

Ou, dit le sous-titre, « le pouvoir de rendre la vie plus jolie ! Bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci, pardon… », avec l’aide bienveillante de Super Poli, le super-héros aux pouvoirs magiques. Du pays des Impolitains au royaume de Potlatch en passant par le Pays Froid, il n’a pas son pareil pour éviter les conflits ou rabibocher les humains levés du mauvais pied. Il vient même en aide à l’éléphant Phare, bien maladroit dans la boutique de son amie la souris Adèle Hicatte. Ses armes ? Quelques simples mots : Bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci, pardon. Et aussi, soyons sérieux, une « cape réfléchissante pour renvoyer les rayons de soleil et une combinaison en velours avec revers en dentelle », sans oublier un « sabre pour couper en rondelles les méchants qui coupent la parole ». Après ses récits inspirés de l’Antiquité grecque, Louise Guillemot s’adresse ici aux plus jeunes, avec un humour philosophique bien à elle, qui saura convaincre les plus récalcitrants. Merci Louise Guillemot et merci aussi à Anna Griot pour ses illustrations pleines de vie et de couleurs !

Dès 4 ans

Louise Guillemot, Super Poli à la rescousse !, illustrations d’Anna Griot, Mame, 2023, 48 p., 13,90 € — Imprimé en Roumanie

Geert de Sutter, La vie au Mont-Saint-Michel

Revenus de Compostelle, Sara, Simon et leurs amis ont entrepris un nouveau pèlerinage : les voici prêts à traverser la baie du Mont-Saint-Michel. Après avoir parcouru le village, ils sont accueillis par les moines. Entre les travaux sur les remparts, la copie des manuscrits, le potager et les pèlerins, la communauté monastique a fort à faire ! Que de détails au fil des pages, dans lesquelles il s’agit bien sûr de retrouver Sara, Simon, Félix, Estelle, les deux chats et même le bouquetin Quentin, sans oublier le moine Baudouin et le cochon Fripon.
Une manière ludique de découvrir le Mont-Saint-Michel, dont on fête cette année le millénaire – plus précisément le millénaire de la pose de la première pierre de l’église abbatiale, car le mont avait été occupé par des ermites, dès le Vie siècle.

Dès 4 ans

Geert de Sutter, La vie au Mont-Saint-Michel, coll. « herche et trouve Sara et Simon », Mame, 2023, 32 p., 11,90 € — Imprimé en Espagne

Clotilde Jannin, Charles de Foucauld

Fanfaron, insolent, dépensier, désobéissant et (…censure, on ne dit pas « libertin » dans une biographie à l’usage des collégiens), le jeune Charles de Foucauld est presque une caricature des dandys de la fin du XIXe siècle. Passionné et rebelle, le sous-lieutenant de cavalerie démissionne de l’armée à 23 ans pour aller explorer le Maroc, voyage qui lui permet de se confronter avec la « vie à la mode arabe », frugale et détachée des biens matériels, d’autant plus qu’il se travestit pour accompagner un rabbin. Lisant l’hébreu et l’arabe, il découvre alors la religiosité intense des mondes juifs et musulmans.
Néanmoins, et sous l’influence d’une cousine, c’est au catholicisme qu’il se convertit et, à 28 ans, prenant la décision d’imiter le Christ de manière radicale. Il s’installe auprès des Touaregs, en plein cœur du Sahara. Son projet semble simple : vivre dans le dénuement, comme un ermite, devenir un exemple. Ayant choisi de rester auprès des Touaregs malgré la guerre, il est assassiné le 1er décembre 1916 par des pillards.
Brossant à grands traits la biographie de cet homme d’une rare complexité, Clotilde Jannin, jouant avec les codes d’une littérature édifiante aux accents parfois un peu démodés, offre aux jeunes lecteurs de découvrir une personnalité captivante mais aussi de voyager dans un Sahara encore parcouru à dos de chameau par les Touaregs, ces impressionnants hommes bleus.

Dès 12 ans

Clotilde Jannin, Charles de Foucauld, Editions de l’Emmanuel, 2022, 196 p., 13,90 € — Imprimé en France

Kobi Yamada, Ose !

« Comment est-ce qu’on arrive à faire ça ? » se demande un enfant devant la statue sur laquelle le sculpteur travaille. « Il suffit de s’y mettre. Toi aussi, tu peux le faire », répond l’artiste. Au fil des pages, et des jours, vont alterner le doute, l’effort, les échecs, la peur de l’échec, l’espoir, les déceptions, le courage de recommencer, jusqu’à atteindre son but… Les illustrations en noir et blanc d’Elise Hurst laissent de nombreux espaces ouverts pour rêver et méditer. Par l’auteur des best-sellers Un jour j’ai eu une idée et Un jour j’ai eu de la chance, cet album émouvant fera voyager les petits et les grands – plus les grands que les petits, car si le texte n’est pas long, il est très dense et prégnant. Un joli coup de pouce pour convaincre ceux qui n’osent pas faire le premier pas.

Dès 8 ans

Kobi Yamada, Ose !, illustrations d’Elise Hurst, Le Lotus et l’Eléphant, 2022, 48 p., 15 € — Traduit de l’anglais. Imprimé en France

Marguerite Souchon, Comment Dostoïevski fut sauvé

« A la vue de l’écrivain égaré, le vacarme cesse et tous les enfants se tournent vers lui, comme une petite armée, attendant un geste de leur maître pour donner l’assaut.
“Je cherchais la sortie du souterrain… Je m’appelle Fiodor…”, bredouille Dostoïevski.
“Et moi, Nikolaï Stavroguine”, répond d’une voix caressante l’ombre sur le trône, qui s’avère être un homme vêtu de noir. »
Cela ne vous fait pas dresser les poils sur les bras ? Un personnage de roman qui s’adresse à son auteur, déjà bien perturbé, brrr… Car avant cet épisode, Marguerite Souchon a conté comment Dostoïevski a subi un simulacre d’exécution, puis a été envoyé au bagne, dont il tente de s’échapper par ce fameux souterrain. Et que Stavroguine ne va-t-il pas demander à son auteur pour lui permettre de recouvrer sa liberté ? Mais il faut bien en passer par cet épisode terrifiant pour, littéralement, revivre quand arrive « un homme de haute taille, aux cheveux flottant sur une sorte de manteau de pèlerin. Nul ne l’a jamais vu, et pourtant tous le reconnaissent ». Un homme qui va opérer un miracle. Le peintre François-Xavier de Boissoudy soutient ce récit à bout de bras – on serait tenté de dire « à bout de pinceaux » : des lavis plus sombres que la nuit alternent avec d’autres, vibrants d’un brasier intérieur dont on se demande jusqu’où on peut l’approcher sans crainte de se brûler… Difficile de pousser plus loin la réflexion sur le bien, le mal, la liberté, la foi et le pardon.

Pour adolescents « solides »

Marguerite Souchon, Comment Dostoïevski fut sauvé, illustrations de François-Xavier de Boissoudy, Les Petits Platons, 2023, 64 p., 16 € — Imprimé en République Tchèque

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi)

« Le 1er janvier, tous les ans, c’est pareil. C’est le Nouvel An. Je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau », voilà un exemple de ces jeux de mots qui plairont aux plus jeunes. Quelque part entre Petit Ours Brun et Mafalda, voici Monsieur Nourse, avec ses pulls pastel et ses cravates (oui, des cravates !) et son amie l’abeille. Sur chaque page, 3 strips de 3 cases comme autant de petites bandes-dessinées, et 3 questions hautement philosophiques que Monsieur Nourse se pose, nous pose, dans de brefs dialogues avec ladite abeille. Les pensées, le doute, les certitudes, mais aussi la gourmandise, l’hibernation ou les trucs inutiles… Sans oublier la solitude, l’amitié, les décisions, ou les indécisions. Mais « soi », « soi-même », qui est-on au juste ? Même si Monsieur Nourse n’est pas sûr de la réponse, au moins la question est-elle posée !

Dès 5 ans

Christian Demilly, Monsieur Nourse et la vie (mode d’emploi), illustrations d’Alice de Nussy, Grasset Jeunesse, 2022, 32 p., 18,90 € — Imprimé en Espagne

Mathias Jeschke, Une bouteille à la mer

Mathias Jeschke, Une bouteille à la mer

« J’avais jeté une bouteille à la mer. Marius l’avait trouvée et m’avait écrit en retour. Entre ces deux moments, plus de dix ans s’étaient écoulés », et la bouteille avait parcouru pas moins de 400 miles marins (soit 750 kilomètres), tout au long des côtes de Norvège. Cette bouteille, c’est aussi le début d’une belle amitié entre le narrateur et ce jeune Norvégien qui n’était pas né quand la bouteille avait, par jeu, était lancée par-dessus bord.
Au fil des pages – j’allais dire des vagues -, on en apprend aussi un peu plus sur le Gulf Stream, le jour polaire ou l’alphabet morse. Les dessins au crayon sont gais et lumineux, les enfants sont emmitouflés dans de superbes jacquards et les canots sont rutilants.
Mais cette « bouteille à la mer », pour ceux qui aiment les eaux plus profondes, est un de ces contes qui posent de belles questions sur le hasard, l’immensité, le temps, l’espoir, l’amitié. Bref, sur la grande aventure de la vie. Vue d’Allemagne par un théologien heureux.

A partir de 5 ans

Mathias Jeschke, Une bouteille à la mer, illustrations de Katja Gehrmann, Sarbacane, oct. 2010, 32 p., 15,50 €