Thème

Poésie, théâtre et chansons

Pierre Coran, Giselle, le ballet d’Adolphe Adam

« Dans une vallée de Germanie riche en vignes et en châteaux, vivait une paysanne prénommée Giselle », ainsi débutent le conte et le célèbre ballet d’Adolphe Adam. Une si jolie paysanne qu’elle fait battre le cœur du garde-chasse Hilarion mais aussi celui d’un villageois « qui se faisait appeler Loys ». Quand est levé le mystère de ce beau Loys, c’est le drame… Un drame d’amour, symbole de la danse romantique : quelle danseuse étoile n’a jamais rêvé d’incarner Giselle ? Giselle, non seulement va mourir d’amour, mais elle va être accueillie par la reine des Wilis. De bien étranges créatures, ces fiancées mortes avant le jour de leurs noces…
Ce livre-disque réunit une superbe équipe : le texte de Pierre Coran est lu par la voix envoûtante de Natalie Dessay. Il est illustré par le pinceau coloré d’Olivier Desvaux – si coloré qu’on se croirait plus en Provence qu’en Courlande ! Enfin, les morceaux choisis par Marc Dumont sont interprétés par l’orchestre symphonique de Londres sous la baguette du chef d’orchestre Anatole Fistourali : fête paysanne, valses, musiques de chasse…
Un superbe cadeau à écouter et réécouter – et pas seulement pour les ballerines en herbe !

Dès 6 ans

Pierre Coran, Giselle, le ballet d’Adolphe Adam, illustrations d’Olivier Desvaux, voix de Natalie Dessay, Didier Jeunesse, 2019, 48 p. + 1 CD, 23,80 € — Imprimé en Italie. Un code permet d’écouter l’album en ligne.

Anaïs Massini, Aux oiseaux

Poètes et amis des oiseaux, cet album vous enchantera ! Anaïs Massini a pris ses plus beaux pinceaux et sa plume la plus alerte pour écrire 40 cartes postales à ses amis les oiseaux.

« Une recommandation d’été.
Amie noctambule.
Goûte le soir tardif du solstice,
installe-toi dans le pré moissonné,
et couche les pailles encore fraîches.

Ecoute. Entends. Attends
le vacarme de l’assemblée batracienne,
la symphonie orchestrée des grillons. »
Voici le début de sa carte destinée à la Chouette de Tengmalm – et peut-être est-ce elle qui m’a tenue éveillée il y a deux nuits !
Bergeronnette des ruisseaux, Pipit spioncelle, Rossignol philomèle, Cincle plongeur, Grive des bois, Bouscarle de Cetti, Sittelle, Bouvreuil… autant de portraits colorés et de mots qui n’attendent qu’une chose : que les enfants les apprennent avec le cœur, ce sont de magnifiques poèmes, parfois très drôles, comme celui dédié à la Mésange à tête noire ou au Roitelet à triple bandeau.

Dès 6 ans

Anaïs Massini, Aux oiseaux, Grasset Jeunesse, 2023, 22 €, 96 p. – Imprimé en France

#anaismassini #anaismassinioiseaux #auxoiseaux #grassetjeunesse #poesie #ornithologie #albumjeunesse #livrejeunesse #chouetteunlivre

Anne Cortey, Les Ébouriffés

 

« Nuages flocons, nuages océan
soufflés par le vent,
chapeau sur le lac.
L’eau miroir,
au-dedans et au-dessus

la ménagerie s’emballe… »
Des bleus verts, des verts bleutés, couleurs de la nature au petit matin. Mais est-ce une ombre, est-ce un reflet, est-ce un nuage ? Peut-être un cheval égaré ?
« Enfin d’un coup, c’est le grand réveil. » Trois enfants et leur chien apportent une touche de couleur sous la pluie : cirés jaunes, pull rayé, nattes rousses. Le cheval nuage va les emporter et ça galope si bien qu’il faut retourner l’album pour les suivre, ces trois ébouriffés. Une belle histoire à lire un jour de pluie – au bord d’un lac ou d’un étang, mais si vous n’en avez pas sous la main, imaginez-le !

Dès 4 ans

Anne Cortey, Les Ébouriffés, illustrations de Thomas Baas, Grasset Jeunesse, 2023, 32 p., 16,90 € — Imprimé en Espagne

Jean de La Fontaine, Fables

Choisir des Fables répond à peu près toujours à un savant dosage entre fables connues et archi-connues, et fables moins souvent apprises ou carrément oubliées. Ce recueil a bien compris la recette : entre « Le Lièvre et la Tortue » et « Le Lion et le Rat », il est bien agréable de lire « Le rat et l’Huître » ou « L’Eléphant et le Singe de Jupiter ». J’avais oublié que Jupiter eût un singe !
Même si la plupart des œuvres de Catherine Meurisse ne sont pas à mettre sous des yeux enfantins, ne boudons pas notre plaisir avec ses Fables ! Elle explique dans une page pleine d’à‑propos comment « les Fables agissent sur un dessinateur comme un appeau : on dresse l’oreille et on ne peut y résister. […] L’appel des Fables, c’est l’appel de la forêt. Forêt de roseaux et de buissons, de bêtes sauvages et d’animaux de ferme, de rois et de bergers, de paysannes et de déesses. Forêt d’images populaires, de morales bien connues. Des mythes, des chansons. » C’est bien cela, une tradition, n’est-ce pas ?

Dès 7 ans

Jean de La Fontaine, Fables, illustrations de Catherine Meurisse, Réunion des Musées nationaux, 2022, 80 p., 19,90 € — Illustrations gravées en France, album imprimé en Belgique.

Jean de La Fontaine, Fables à colorier

Entre deux fables très classiques, « Le Corbeau et le Renard » ou « Le Lièvre et la Tortue », voici pour renouveler notre plaisir « Le Coq et la Perle » ou « Le Renard et les Raisins ».  Ce petit fascicule découvert lors d’un salon du livre en Sologne regroupe six fables, illustrées au trait en noir et blanc, tout exprès pour inviter petits et grands au coloriage. C’est frais, léger, sympathique !

Dès 6 ans

Jean de La Fontaine, Fables à colorier, illustrations d’Hermeline, Editions Violette and Lulu, 2021, 16 p., 4 € — Imprimé en France

Louis-Maurice Boutet de Monvel, Les plus belles chansons de notre enfance

Quand vous chantonnez en vous souvenant de votre Grand-Mère, entonnez-vous « Il était une dame Tartine / dans un beau palais de beurre frais »… ou bien « Cadet Rousselle [qui] a trois maisons / qui n’ont ni poutres ni chevrons », à moins que ce ne soit « Malbrough s’en va-t-en guerre, miroton miroton mirontaine… » ?
Les 27 comptines et rondes traditionnelles de cet album font partie de notre patrimoine le plus précieux, celui de notre enfance — et de l’enfance de combien de générations avant nous ? La première édition de Vieilles chansons et danses pour les petits enfants a paru en 1883 et Chansons de France pour les petits Français, l’année suivante : deux albums illustrés par Louis-Maurice Boutet de Monvel (1850 – 1913) dont les premiers tirages se collectionnent à prix d’or, et qui ont été maintes fois réédités, parfois avec des variantes.
Les éditeurs ont choisi de reprendre ici quelques chansons assorties des charmantes frises et illustrations de Boutet de Monvel, mais redécoupées : enfants sages en costumes fin de siècle (le XIXe !), ou déguisés à la mode Grand Siècle, soldats qui pourraient être de plomb, rossignols, papillons et coquelicots. La typographie, très joyeuse, aidera les apprentis lecteurs à distinguer couplets et refrains.
Le CD et le QR code associé aideront à se remettre ces airs anciens en mémoire. Mais où est passée « la tabatière qui n’est pas pour ton vilain nez » ?

Dès 3 ans

Les plus belles chansons de notre enfance, illustrations de Louis-Maurice Boutet de Monvel, Mame, 2022, 56 p, avec un CD et QR code, 16,90 € — Imprimé en Pologne

Christian Demilly, Bulle dans sa bulle

Bulle a enfilé son costume de lapin bleu, celui qui a des oreilles et un pompon pour la queue. Et dans ce costume, il lui en arrive des aventures- enfin, de toutes petites aventures : manger du saucisson et des éclairs au chocolat, mais pas en même temps, ça, il a essayé et ce n’est pas bon du tout ; collectionner les objets les plus bizarres, quitte à ne plus savoir dans quelle boîte de boîte de boîte il les a rangées ; rêver aussi, Bulle aime beaucoup ça, surtout quand son rêve le conduit dans un monde tout doux (mais pas tout mou, ne confondons pas) … Voilà un album 100 % poétique, donc forcément un peu rebelle ! Sans aucune violence, ni colère, ni jalousie, ni rien de tout cela, bien au contraire, Bulle a choisi : il s’est construit un petit monde bien à lui, avec la complicité d’Audrey Calleja dont le crayon est doux et acidulé comme un bonbon. A déguster sans modération, idéal pour aider un enfant un peu angoissé ou remuant à construire aussi ce petit monde dont il rêve.

Dès 4 ans

Christian Demilly, Bulle dans sa bulle, illustrations d’Audrey Calleja, Grasset Jeunesse, 2022, 40 p., 17 € — Imprimé en Espagne

Jacques Prévert, En sortant de l’école

« En sortant de l’école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré… »
En ce début septembre, qui n’aurait pas envie de monter dans ce wagon doré, ou de faire le tour du monde, « de la lune et des étoiles, à pied à cheval en voiture et en bateau à voiles » ? Gallimard Jeunesse nous offre la réédition d’un superbe album illustré par Jacqueline Duhême. Née en 1927, cette grande artiste a fait ses débuts dans l’atelier de Matisse, puis a su convaincre les grands poètes de son temps d’écrire pour les enfants, tout en étant dessinatrice de presse. Sa connivence avec Jacques Prévert (1900–1977) est devenue une vraie amitié, sur laquelle reviennent deux belles pages documentaires. Les musiciens trouveront aussi en fin d’album la partition de ce poème devenu chanson : « Paroles de Jacques Prévert, musique de Joseph Kosma », savaient si bien dire les Frères Jacques avant de nous entraîner « tout autour de la terre ».

Dès 4 ans

Jacques Prévert, En sortant de l’école, illustrations de Jacqueline Duhême, Gallimard Jeunesse, 2022, 32 p., 15,50 € — Imprimé en Italie — Une réédition bienvenue de l’album paru en 1981.

Jean E. Pendziwol, J’ai trouvé l’espoir dans un cerisier

« Le cerisier, lui,
sait une chose :
que l’espoir
à l’automne
apporte
les fleurs
au printemps. »

Pourquoi les ombres disparaissent-elles parfois ? Comment les flocons de neige, parfois doux et délicats, peuvent-ils être aussi froids et piquants ? Que faire quand le vent hurle comme un loup ? Quand le monde semble imprévisible, confus et épeurant, l’enfant de cette histoire poétique trouve de l’espoir dans les bourgeons d’un cerisier.
« Épeurant » ? Voilà un bien joli mot, un peu désuet ici, qui nous vient, comme cet album, du Québec. Des dessins très sobres, des couleurs toutes douces nées sous le pinceau de Nathalie Dion, voilà une belle manière de fêter le printemps dans les cœurs !

Dès 4 ans

Jean E. Pendziwol, J’ai trouvé l’espoir dans un cerisier, illustrations de Nathalie Dion, Editions d’Eux, 2022, 36 p., 16,50 € — Traduit de l’anglais par Christiane Duchesne. Imprimé en Chine

Sandrine Kao, Après les vagues

La mer. L’île. Explorer. Se perdre. Belle étoile. La rencontre. S’attacher. Se découvrir. Chaque page ou double page de cet album, en quelques images et si peu de mots, ne décline pas une simple « aventure », ou une « situation », mais suggère ce qui se passe au fond de nos cœurs quand on part à l’aventure, à la découverte de soi et des autres. Les « héros » en sont de petits animaux au contour très simple dont Sandrine Kao ne sait pas elle-même très bien si ce sont des lapins, des chiens ou des marmottes… J’y verrai plutôt quelques-uns des petits fantômes amicaux que nous a fait connaître le cinéma d’animation japonais (mais je n’y connais rien en fantômes asiatiques). Le titre, « Après les vagues », nous invite à tourner la page des derniers mois, à croire en nos rêves et à aller de l’avant. « Si quelque chose nous déplaît grimacer n’y changera rien. Un peu de recul, un conseil avisé, et l’amer devient sucré. » A déguster en famille, tranquillement…

Dès 4 ans, et pour tous les âges

Sandrine Kao, Après les vagues, Grasset Jeunesse, 2022, 40 p., 18,90 € — Imprimé en Espagne

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes

Les « Châteaux de la Loire », ce sont ceux qui ont vu passer Jeanne – « Son âme était récente et sa cotte était neuve ». Suivent deux prières : Jeanne y demande un « chef de guerre » capable de « faucher les Bourguignons », avant de prier monsieur saint Michel, madame Catherine et madame Marguerite. Car « mener la bataille, ô je ne le peux pas », oppose-t-elle à leur « voix inoubliable ». Mais, fille obéissante, elle fait néanmoins ses « adieux à la Meuse » et à la maison de son père. Et vient le coup de tonnerre – quels adolescents apprendront par cœur les terribles « Imprécations de Guillaume Evrard » — « Elle ira dans l’Enfer avec les Morts damnés »… Imprécations auxquelles Jeanne répond, de la Tour où, prisonnière, elle se sent abandonnée, douloureuse à jamais. Avant de marcher au supplice.
Les illustrations de Nathalie Parain sont d’une discrétion exemplaire, très fines, d’une élégance qui allie force et douceur.
Ce petit opuscule, en édition originale et d’une fabrication si soignée, a passé quelques années sur les étagères de la bibliothèque d’un collège de Rueil Malmaison. Si l’on en croit la fiche encore glissée dans le livre, il a été emprunté – pour la dernière fois – en 1983 par un élève de 6e.

Dès 12 ans

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes, illustrations de Nathalie Parain, typographie Deberny-Peignot, NRF Gallimard, 1952, 62 p. – En brocante ou chez des libraires de livres anciens. 10 € chez Le Facteur Cheval à Versailles.

Béatrice Sonnerat, La petite fille qui ne voulait pas qu’on l’appelle

Il m’arrive parfois de bien sympathiques surprises, comme ce « conte en vers », plein de fantaisie.
« Il était une fois dans une jolie chaumière,
Une petite fille qui était en colère. »
De dépit, la voilà qui part loin de chez elle, mais sa colère ne passe pas si vite… La raison profonde ? « je n’veux pas qu’on m’appelle » répond-elle à qui lui demande son nom, car son nom ne lui plaît pas du tout, il ne raconte pas d’histoire, comme Aurore, Colombe ou Ulysse…
En marchant à travers la forêt, elle rencontre Colin, Chanterelle, Romarin et un vieil homme des bois. Leur dira-t-elle pourquoi elle est fâchée ? Trouvera-t-elle les trésors qu’elle est allée chercher ?
« Pourquoi la valse rythmée des mots et des alexandrins ne serait-elle dévolue qu’aux contes anciens ? » se demande Béatrice Sonnerat. Educatrice spécialisée, enseignante, chanteuse et musicienne, elle a vraiment le rythme dans la peau. Ces nouvelles rimes et ces vers contemporains enchanteront nos bambins à qui ils seront lus à haute voix. La mise en page est soignée, les illustrations discrètes : une manière se sortir des sentiers battus en offrant une chance à l’auteur.

Dès 4 ans

Béatrice Sonnerat, La petite fille qui ne voulait pas qu’on l’appelle, autoédition, sur le site de l’auteur, 2021, 32 p., 6,50