Thème

Grands auteurs

Erri De Luca, Le poids du papillon

« Sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l’odeur de l’homme et de la poudre à fusil.
Orphelin avec sa sœur, sans un troupeau voisin, il apprit tout seul. Adulte, il faisait une taille de plus que les mâles de son espèce. »
Lui, c’est un chamois, et s’il domine encore sa harde, il sait que bientôt, un dernier combat sera gagné par un jeune mâle plus fort que lui. Mais en face de lui se dresse un autre danger : un vieux braconnier, ses silences et se secrets…
Ce magnifique récit de l’Italien Erri de Luca, devenu un grand classique, est ici illustré par Andrea Serio, dont on ressent tout de suite la proximité avec les montagnes, leurs teintes et leurs saisons. Il serait bien dommage de lire ce texte en poche maintenant qu’il en existe cette superbe édition (qui n’est pas une bande dessinée, et qui garde le texte intégral). Les adolescents seront sensibles à la rigueur et à la simplicité du récit, et trouveront peut-être dans la figure du vieux chasseur une bonne entrée en matière pour parler avec leurs grands-parents des utopies, des idéaux et des révolutions des années 1970. Quant au papillon…

Adolescents

Erri De Luca, Le poids du papillon, illustrations d’Andrea Serio, Futuropolis, 2022, 80 p., 13,90 € — Traduit de l’italien par Danièle Valin.

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes

Les « Châteaux de la Loire », ce sont ceux qui ont vu passer Jeanne – « Son âme était récente et sa cotte était neuve ». Suivent deux prières : Jeanne y demande un « chef de guerre » capable de « faucher les Bourguignons », avant de prier monsieur saint Michel, madame Catherine et madame Marguerite. Car « mener la bataille, ô je ne le peux pas », oppose-t-elle à leur « voix inoubliable ». Mais, fille obéissante, elle fait néanmoins ses « adieux à la Meuse » et à la maison de son père. Et vient le coup de tonnerre – quels adolescents apprendront par cœur les terribles « Imprécations de Guillaume Evrard » — « Elle ira dans l’Enfer avec les Morts damnés »… Imprécations auxquelles Jeanne répond, de la Tour où, prisonnière, elle se sent abandonnée, douloureuse à jamais. Avant de marcher au supplice.
Les illustrations de Nathalie Parain sont d’une discrétion exemplaire, très fines, d’une élégance qui allie force et douceur.
Ce petit opuscule, en édition originale et d’une fabrication si soignée, a passé quelques années sur les étagères de la bibliothèque d’un collège de Rueil Malmaison. Si l’on en croit la fiche encore glissée dans le livre, il a été emprunté – pour la dernière fois – en 1983 par un élève de 6e.

Dès 12 ans

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes, illustrations de Nathalie Parain, typographie Deberny-Peignot, NRF Gallimard, 1952, 62 p. – En brocante ou chez des libraires de livres anciens. 10 € chez Le Facteur Cheval à Versailles.

Rudyard Kipling, Le Livre de la jungle (adaptation)

« “Un petit d’homme ! jappa-t-il. Il y a un petit d’homme !”
presque sous son museau se trouvait un bébé à la peau sombre, tout juste en âge de marcher. Le bébé leva la tête vers Rama et éclata de rire.
“C’est donc ça, un petit d’homme ? dit Raksha. Amène-le par ici !”
Alors, de la même façon qu’il aurait porté un de ses quatre louveteaux, Rama prit délicatement Mowgli dans sa gueule et le déposa parmi les petits loups. Aussitôt, l’enfant se mit à boire le lait de Raksha. La louve leva ses deux yeux vers et dit à Rama :
“Il est aussi frêle qu’une grenouille. Nous l’appellerons Mowgli. ” »
Que d’aventures suivront, avec l’ours Baloo et la panthère Bagheera, face au peuple des singes et aux griffes de Shere Khan !
Le charme de cet album vient en grande partie des illustrations, à cent lieues de celles des dessins animés : des tons bleutés, roses, orangés, violines, un trait fin et délicat, des compositions à l’équilibre subtil : la jungle de Florian Pigé est une jungle de rêve, une jungle de papier peint, et qui pourtant n’entre pas en conflit avec le texte. Celui-ci est une adaptation respectueuse à la fois de l’auteur et des jeunes lecteurs, dans une langue fluide et bien rythmée.

Dès 6 ans

Rudyard Kipling, Le Livre de la jungle, illustrations de Florian Pigé, traduction et adaptation de Thibault Vermot, Sarbacane, 2022, 64 p., 16,90 € — Imprimé en France

Hans Christian Andersen, Quatre contes

Si les deux contes « Poucette » et « La Princesse et le petit pois » sont encore connus, les deux autres contes de ce recueil le sont moins : « Le Briquet » et « Grand-Claus et Petit-Claus », qui font aussi partie des tout premiers contes publiés par Andersen. Tout n’est pas rose, loin de là, dans ces contes ! Avarice, vengeances, ruses… l’astuce est récompensée, la bêtise lourdement sanctionnée, le goût de l’argent et du luxe peut faire perdre la tête, les rois et les reines ne sont pas tous des modèles.
Seul le monde imaginaire de Poucette mène à une conclusion vraiment optimiste : après moult aventures et un long voyage sur les ailes d’une hirondelle, Poucette devient la reine d’un pays chaud, où chaque fleur est habitée par un petit personnage ailé. Les trois autres contes vont entrer le merveilleux dans un Danemark où la vie est rude, où chaque sou compte et où les assiettes ne se remplissent pas seules, le Danemark de l’enfance d’Andersen.
Paru en 1942, à Anvers, ce recueil est merveilleusement illustré en quatre couleurs par Elisabeth Ivanovsky, au plus haut de son art. La traduction, réalisée dans la première moitié du 20e siècle par Étienne Avenard, enlevée et sonnante, rend à ces contes toute leur verve. Je n’ai pas comparé ligne à ligne avec d’autres traductions mais il me semble que le texte est complet, sans coupes ni adaptations, ce qui redonne toute leur vigueur à ces contes.

Dès 8 ans

Quatre contes d’Andersen, illustrations d’Elisabeth Ivanovsky, MeMo, 2021, 64 p., 18 € — Traduit du danois par Etienne Avernard.

Mark Twain, Tom Sawyer détective

« Voilà, c’était le premier printemps depuis que moi et Tom, on avait libéré notre vieux nègre Jim. Ils l’avaient mis aux fers, pour le punir de s’être sauvé, là-bas chez l’oncle de Tom, Silas, qui a une ferme dans l’Arkansas. » Et l’Arkansas, ce n’est pas tout à fait voisin du Mississippi, que le narrateur, le jeune Huck, regarde au loin en rêvant. Et pourtant, Tom et lui vont y retourner. Ils vont voler au secours de leur oncle, le pasteur Silas, persécuté par son voisin Brace Dunlap et son frère Jubiter. Lors de leur descente du Mississipi en bateau à aube, ils croisent un étrange passager, qui n’est autre que le jumeau de Jubiter – lui-même poursuivi par deux complices auxquels il a dérobé une paire de diamants… Une double enquête commence pour nos héros inséparables : retrouver les diamants et élucider le meurtre de Jubiter, commis la nuit même de leur arrivée chez l’oncle Silas.
Ce court roman, paru en 1897, et dont la dernière traduction datait de 1902, est l’un des trois qui a suivi le succès des « Aventures de Tom Sawyer » puis des « Aventures de Huckleberry Finn ». Cette nouvelle traduction dans une belle langue sonore et créative, savoureuse et drôle, rapproche le jeune lecteur de cette Amérique si étrange du XIXe siècle. Christel Espié a réalisé de vrais tableaux vibrant de lumière, comme il est de coutume dans cette belle collection littéraire.

Dès 10 ans

Mark Twain, Tom Sawyer détective, illustrations de Christel Espié, Sarbacane, 2020, 96 p., 19,90 € — Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne-Sylvie Homassel. Imprimé en France

Hermann Löns, Périllou et Périllette

Ce conte venu d’Allemagne est une variation sur le thème bien connu des Poucets et des Poucettes, ces lutins qui vivent en grande amitié avec les petits animaux des prés et des bois. Le lutin Périllou est parvenu à l’âge de raison, celui où l’on porte barbe, où l’on sait tirer à l’arc et où l’on ne pleure plus quand on quitte sa petite maman. Le voilà donc parti à la recherche d’une épouse « mince à la taille, bleue des yeux et blonde sur la tête ». Laquelle est prisonnière de la Souffleuse, une affreuse sorcière. Que d’aventures en perspective ! Ce conte initiatique est aussi un magnifique support pour les enfants qui jouent avec des coquilles de noix, des brindilles, des fleurs et des plumes – bref, avec les trésors de la nature. Périllou et Périllette, en allemand Lüttjemann et Püttjerinchen, vivent dans un monde imaginé par Blanche Holtz, monde naïf et coloré qui évolue au gré des saisons. Beau papier et couverture cartonnée font de cet album un joli cadeau appelé à durer.

Dès 4 ans

Hermann Löns, Périllou et Périllette, illustrations de Blanche Holtz, Ed des Mondes et des Livres, 26 p., 15 € — Traduit de l’allemand. Imprimé en Allemagne.

George Orwell, La Ferme des animaux

« Quelle est donc, camarades, la nature de notre existence ? Regardons les choses en face : nous avons une vie de labeur, une vie de misère, une vie trop brève ! […] tout le produit de notre travail, ou presque, est volé par les humains. Camarades, là se trouve la réponse à nos problèmes. Tout tient en un mot : l’Homme. » La révolte gronde à la ferme. La révolte ? Non, la révolution ! Les cochons chassent le fermier, mais les ennuis vont vite commencer… Ce court roman, tenant de l’apologue, de la fable et de la dystopie, est paru en 1945, à une époque où régnait en Angleterre une sorte d’autocensure à l’égard de tout discours un tant soit peu antisoviétique. Il ne s’agit donc pas là d’un roman antispéciste ou vegan mais bel et bien d’une critique acerbe du stalinisme et des régimes totalitaires. Démodé ? Que non !
Si le roman existe en de nombreuses éditions de poche, cet album illustré par Quentin Gréban donne encore plus de vigueur à ce texte lucide et toujours actuel.

Dès 10 ans

George Orwell, La Ferme des animaux, illustrations de Quentin Gréban, Mijade, 2021, 30 € — Traduit de l’anglais par Jean Quéval. Imprimé en Belgique

Noëls de France, recueillis par Thibaud Dubois

De l’Avent à l’Epiphanie, il ne manquera pas de soirées frisquettes. Un coin de feu, ou un canapé confortable, quelques bougies, des biscuits à la cannelle – et une belle voix pour captiver un auditoire familial en lisant – ou en disant contes ou poèmes de Noël. Voilà à quoi invite cette anthologie de 68 « Noëls de France » rassemblés par Thibaud Dubois.
Tant l’on crie Noël qu’il vient » : ainsi François Villon annonçait cette période que tous, petits et grands, attendent. Contes, poèmes, récits… Vous retrouvez à travers ces pages les plus grands et plus célèbres écrivains français : Joachim du Bellay, François Coppée, Guy de Maupassant, la comtesse de Ségur, Edmond Rostand, Alphonse Allais, Jean de La Varende, et de nombreux auteurs oubliés ou méconnus, parfois gentiment démodés ou droits sortis de recueils un peu moralisateurs voire édifiants du XIXe siècle, qui ont gardé un certain charme. C’est pourquoi je conseille ce recueil à des adultes, qui sauront choisir les lectures de Noël qui conviennent le mieux à leur sensibilité et à celle des jeunes enfants.
Que la plume de ces auteurs soit triste, gaie, émerveillée, sceptique ou bien encore tourmentée, elle vous permettra par un regard privilégié de contempler, d’admirer et de vous approcher de la beauté du mystère de Noël !

Pour toute la famille

Noëls de France, recueillis par Thibaud Dubois, illustrations de Françoise Pichard, Via Romana, 2021, 268 p., 22 € — Imprimé en France

Edmond Rostand, La Brouette

De la part de Mathilde H. Un beau jour d’hiver, Jésus et Saint Pierre descendent du ciel, comme ils en ont régulièrement l’habitude pour réparer certaines injustices. Dans une forêt, ils aperçoivent une vieille femme qui pousse une brouette vide. Saint Pierre s’esclaffe : mais que fait cette femme sans doute un peu folle, qui pousse inlassablement sa charrette ? Jésus ne dit rien…
Ce petit conte en vers d’Edmond Rostand, est à lire pendant l’Avent, au coin du feu !
Une magnifique histoire sur la confiance et la persévérance.
Les vers de Rostand sont sublimés par les magnifiques illustrations d’Astrid Valence dans cet album grand format. Le poème est suivi d’une courte biographie de l’auteur, d’une présentation de son œuvre et d’un lexique.

A lire seul dès 6 ans, et en famille à haute voix.

Edmond Rostand, La Brouette, illustrations d’Astrid Valence, Téqui, 2020, 32 p., 16€

 

Petits portraits de chats, anthologie

Baudelaire, Apollinaire, La Fontaine, Rostand… Autant d’écrivains inspirés par les chats ! Cet album met en correspondance onze poèmes et onze portraits de chats dessinés par des illustrateurs contemporains. Malice, mystère, complicité et magie sont au rendez-vous ! Si vous habitez chez un chat, vous trouverez le poème qui lui convient le mieux. Si vous rêvez de chat, n’hésitez pas à vous demander lequel d’entre eux vous tiendriez sur vos genoux… Celui que je préfère ? Le poème de Jacques Roubaud illustré par Gérard DuBois – mais j’ai bien failli donner ma langue au chat ! Et si vous faisiez le portrait littéraire de votre chat, assorti d’un dessin ?

Dès 8 ans

Petits portraits de chats, anthologie, Grasset Jeunesse, coll. « Ma grande bibliothèque idéale », 32 p., 19,90 € — Imprimé en Espagne

Les plus belles poésies françaises pour les écoliers

Les plus belles poésies françaises pour les écoliers

Des « Feuilles mortes » de Pernette Chaponnière qui annonce si bien l’automne, à l’« Hymne au soleil » d’Edmond Rostand, cette anthologie de poésies françaises rassemble quelques pépites de notre patrimoine culturel. Charmantes comptines pour les plus jeunes, fables optimistes pour les 7/9 ans, tirades et alexandrins sonnants pour les plus grands – autant de textes que chacun découvrira avec un bonheur sans pareil.
Comme le précise dans sa préface Anne Coffinier, à qui l’on doit cette sélection, « pas d’académisme, mais la défense et l’illustration joyeuses d’un art aux mille vocations, dans une langue simple et restituée dans son originalité la plus pure ». Les illustrations, gaies et lumineuses, ouvrent toutes grandes les portes du rêve. A apprendre avec le cœur !

Dès 5 ans et pour toute la famille

Les plus belles poésies françaises pour les écoliers, illustrations d’A. Bureau, de V. Cognet, C. Cordasco, E. Lapeyre et V. Liang, Editions Critérion et la Fondation pour l’école, 2018, 96 p., 16,90 €. Imprimé en Slovénie.

Jules Verne, Deux ans de vacances

Jules Verne, Deux ans de vacances

« Un peu avant minuit, un tel paquet de mer s’abattit sur le flanc du yacht que ce fut miracle s’il ne fut pas démonté de son gouvernail.
Les enfants, qui avaient été renversés du coup, purent se relever presque aussitôt.
« Gouverne-t-il, Briant ? demanda l’un d’eux.
— Oui, Gordon, » répondit Briant. […]
À ce moment, la porte du capot d’escalier fut vivement ouverte. Deux petites têtes apparurent en même temps que la bonne face d’un chien.
« Briant ?… Briant ?… s’écria un enfant de neuf ans. Qu’est-ce qu’il y a donc ?
— Rien, Iverson, rien ! répliqua Briant. Veux-tu bien redescendre avec Dole,… et plus vite que ça !
— C’est que nous avons grand-peur ! ajouta le second enfant, qui était un peu plus jeune.
— Et les autres ?… demanda Doniphan.
— Les autres aussi ! répliqua Dole.
— Voyons, rentrez tous ! répondit Briant. Enfermez-vous, cachez-vous sous vos draps, fermez les yeux, et vous n’aurez plus peur ! Il n’y a pas de danger !
— Attention !… Encore une lame ! » s’écria Moko.

Malgré leur courage et leur énergie, les 14 jeunes pensionnaires anglais, américains et français, ainsi que le mousse Moko vont faire naufrage sur une île déserte du Pacifique. Comment vont-ils s’organiser pour survivre ? Cette célèbre robinsonnade a inspiré bien des grands jeux scouts et fait rêver des générations de galopins. Deux ans de vacances, qui n’en aurait pas rêvé ?

« Ni adaptation ni résumé, ce livre propose une version abrégée du texte original : les coupures y sont effectuées de manière à laisser intacts le ton et le style de l’auteur », précise un avertissement de l’éditeur.

Dès 10 ans

Jules Verne, Deux ans de vacances, Hachette Romans, 2018, 192 p., 10 €