Émile Zola, Le Paradis des chats

« J’étais gras à m’en écœurer moi-même. Et je m’ennuyais tout le long de la journée à être heureux » confie à l’auteur un beau chat angora. Qui continue ainsi : « J’arrêtai le projet de m’enfuir. Il devait y avoir dans la vie autre chose que de la chair saignante. C’était là l’inconnu, l’idéal. Un jour, on oublia de pousser la fenêtre de la cuisine. Je sautai sur un petit toit qui se trouvait au-dessous. »

Le voilà parti pour une belle virée, auprès d’un vénérable matou et de ses comparses, les chats de gouttière. Des toits aux caniveaux, que de dangers recèle la vie sauvage ! Ne serait-il pas prudent et sage de regagner son coussin de plume ? Les illustrations de Timothée Le Véel, en bleu, gris et rose, mais à sage distance de Disney, donnent à cet album un air de fantaisie très britannique : on s’attend presque à croiser Oliver Twist à chaque coin de rue.

La conclusion de cette nouvelle d’Emile Zola, extraite, sans coupure, des Nouveaux contes à Ninon (1866) n’a pas perdu de son actualité – mais quelle férocité ! « “Voyez-vous, — a conclu mon chat, en s’allongeant devant la braise, — le véritable bonheur, le paradis, mon cher maître, c’est d’être enfermé et battu dans une pièce où il y a de la viande.” Je parle pour les chats. »