Thème

Bandes dessinées

Derib et Job, Yakari et Grand Aigle

Ah, ce petit Sioux espiègle et décidé sous la coiffe de plumes empruntée à un grand guerrier ! Ce tout premier tome des aventures de Yakari nous conduit, sur les ailes de Grand Aigle ou au galop de Petit Tonnerre, dans les plaines et les forêts du Grand Ouest américain. Quel jeune papoose n’a pas tremblé devant l’ours, le feu de forêt, ou la cavalcade des mustangs ? Une bande dessinée idéale en fin de CP : peu de texte, un contexte explicite et des dessins dynamiques. Nous en avons déniché un exemplaire de 1977 chez un bouquiniste parisien, ravi de pouvoir de nouveau proposer ses trésors.

Dès 6 ans

Derib et Job, Yakari et Grand Aigle, Le Lombard, 2012, 48 p., 10,95 € — Nombreuses rééditions depuis 1973, Casterman

Felicity Brooks, Pâques, mes petits autocollants

Savez-vous que le gouvernement irlandais a publié une dépêche autorisant le lièvre de Pâques à circuler en Irlande, malgré le confinement, pour remplir sa mission ? Distribuer les œufs et les chocolats dans les jardins ! La Poste française m’a apporté hier cet album de saison : des œufs par dizaines, des agneaux, des lapins, des poussins et des fleurettes, plus de 250 autocollants réutilisables à mettre en scène. Alors, oui, les cloches et les poissons traditionnels de notre enfance ont disparu de l’imagerie, même profane, liée aux fêtes pascales mais nous ne bouderons pas notre plaisir tant que les paniers se rempliront de douces surprises !

Dès 3 ans

Felicity Brooks, Pâques, mes petits autocollants, illustrations de Malu Lenzi, Usborne, 2020, 16 p, 250 vignettes, 5,95 € — Imprimé en Chine

Jean-Marc Rochette, Le Loup

Une haute vallée des Écrins. Un berger. Son troupeau. Une louve et son petit. Une nuit de pleine lune. Soudain, un coup de feu. Quelques jours plus tard, au village, Gaspard avoue. Cette louve, cette bête magnifique, « reine ou pas, je lui ai mis une cartouche ». Parce que voir « des brebis et des agneaux les tripes à l’air. Du sang de partout », entendre des hurlements, supporter la puanteur des charognes, il n’en peut plus. De mois en mois, d’hivers en étés, le louveteau va devenir un superbe loup blanc. Une étrange relation se noue alors entre l’animal sauvage et l’homme – ensauvagé, mais armé. Les estives, les vallons, la haute montagne, les bergers comme les gardes du parc, Jean-Marc Rochette, qui vit dans la vallée du Vénéon, les connaît, les aime et les dépeint avec une rare justesse. Mais il connaît aussi le conflit qui empoisonne la vie locale : peut-on, ou non, vivre avec le loup ? « Un problème métaphysique », qui justifie la fiction par laquelle se termine son récit en images. Quelle forme doivent prendre nos relations avec le monde sauvage ? C’est le thème d’une longue postface signée Baptiste Morizot, auteur de l’ouvrage Les diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, où le philosophe explore la possibilité de relations pacifiées entre les hommes et les autres vivants.

Adolescents

Jean-Marc Rochette, Le Loup, Casterman, 2019, 112 p., 18 € — Mise en couleur par Isabelle Merlet. Postface de Baptiste Morizot

Xavier Coste, L’Enfant et la Rivière, d’après Henri Bosco

« Autour de nous, on ne voyait que champs, longues haies de cyprès, petites cultures et deux ou trois métairies solitaires. Ce paysage m’attristait. Mais au-delà coulait une rivière. » Du ciel d’un bleu cru et des lavandes violettes qui encadrent la métairie familiale de Pascalet, voilà que le paysage, la page tournée, se teinte de vert. « Au-delà coulait une rivière… » Les bleus et les violets demeurent, couleurs nocturnes, accompagnées de beiges et de lilas – les rêves seront d’un orangé de feu couvant. Autant de couleurs chez Henri Bosco ? Ce sont elles, et le trait envoûtant de Xavier Coste, qui entraînent le lecteur à la suite de Pascalet, puis de Gatzo, sur la rivière interdite – et plus loin encore.
Rares sont les bonnes adaptations de textes classiques en bandes dessinées. Celle-ci, excellente, redonne toute sa magie à un roman trop souvent affadi par des pages de dictées, de morceaux choisis et d’explications de texte dans lesquels les petits citadins ne retrouvaient plus ni les parfums, ni les mouvements secrets des rives du Rhône provençal.

Dès 9 ans

Xavier Coste, L’Enfant et la Rivière, d’après Henri Bosco, Sarbacane, 2018, 112 p., 19,50 € — Imprimé en France

Jirô Taniguchi, La forêt millénaire

Jirô Taniguchi, La forêt millénaire

Waturu, un jeune Tokyoïte de 10 ans, est recueilli par ses grands-parents dans un village de montagne. Perturbé par le divorce de ses parents et la maladie de sa mère, il ne trouve guère de compassion auprès de ses condisciples – lesquels le mettent au défi de grimper dans un arbre immense, « leur » arbre, au cœur de la forêt. Une forêt bien étrange, née d’un tremblement de terre, dans laquelle vivent de curieux animaux…

Entre album, avec un format à l’italienne, et manga, par ses codes graphiques, cet ouvrage est le dernier opus du grand maître japonais, décédé avant de l’avoir terminé. La seconde moitié du livre est consacrée à une interview de Jirô Taniguchi (1947–2017) et au storyboard des épisodes qui devaient continuer l’histoire de Waturu. Cela donne un document à part, étrange et nostalgique, qui fait revivre le Japon des années 1950 où les kodama — les hamadryades nipponnes – s’inquiètent déjà de la bonne santé de la forêt.

Adolescents

Jirô Taniguchi, La forêt millénaire, Rue de Sèvres, 2017, 72 p., 18 €

Hergé, Tintin au pays des Soviets

Hergé, Tintin au pays des Soviets

Quand Hergé dessine Tintin au pays des Soviets pour le Petit Vingtième, il n’a que 21 ans, mais déjà un talent fou ! Paru en 1929, enfin réédité en 1973, cet album a fait cet hiver un retour remarqué – et tout en couleurs, s’il vous plaît ! Tintin y est déjà le jeune reporter qu’il restera éternellement : courageux, entreprenant, inventif, jamais à court d’inspiration pour se sortir du pétrin. Il est accompagné d’un Milou « son sympathique cabot », dit la première case de la BD, lequel est parfois plus expressif et mieux dessiné que son maître. Les aventures rocambolesques de Tintin sont l’occasion d’une satire du communisme sous toutes ses formes : élections magouillées, usines en carton pâte, famine organisée, omniprésence de la Guépéou… Le « paradis rouge » est bel et bien un enfer. Le seul méchant qui n’est pas communiste est un ours ! Saviez-vous que Tintin au pays des Soviets est la seconde bande dessinée européenne à utiliser des phylactères – des « bulles » et non des légendes inscrites sous les images ?

De 7 à 77 ans

Hergé, Tintin au pays des Soviets, Casterman, 137 p., 14,95 €

L’Odyssée d’Homère

L’Odyssée d’Homère

Une édition de plus de l’Odyssée – oui, et particulièrement réussie.
L’avant-propos du dessinateur de BD Mathieu Lauffray donne ne ton : « Aujourd’hui, il semble que l’individu d’élite aiguise son héroïsme précisément à ne plus rien assumer, à séduire plutôt qu’à faire, à tromper plutôt qu’à progresser. Peut-être est-ce justement le bon moment pour se remettre en mémoire ces fameuses conséquences que l’on cherche tous à oublier. » Et de rappeler le combat éternel que se livrent « le courage, la pugnacité, la lâcheté, l’orgueil, l’avidité ».
Cette nouvelle édition réunit donc les passages les plus célèbres de l’Odyssée, dans une traduction de 1819, due à Charles-François Lebrun (1739 – 1824). Cet érudit fut aussi, et surtout, un « révolutionnaire modéré », devint troisième consul, servit Napoléon et finit pair de France.
Cela nous mène loin du monde de la bande dessinée, dont sont issus les trois illustrateurs de cette Odyssée : Anthony Jean, Mickaël Bourgouin et Yann Tisseron interprètent les plus célèbres passages de l’épopée, dans des formats « pleine page » qui laissent toute la place à leur sensibilité.
Alors, oui, une nouvelle fois, « Muse, chante cet homme souple, divers, fécond eu ruses et en stratagèmes, qui, après avoir renversé les murs sacrés de Troie, erra longtemps, vit des peuples nombreux, et connut leurs esprits, leurs mœurs et leurs lois ».

Dès 12 ans

L’Odyssée d’Homère, illustrée par Anthony Jean, Mickaël Bourgouin et Yann Tisseron, Glénat, coll. « Labyrinthe », 2014, 184 p., 35 €.

Christian de Montella, Graal : la légende des chevaliers

Christian de Montella, Graal : la légende des chevaliers

« Ces hommes du désert étaient en pleine mer, pour un voyage sans retour qui les mènerait jusqu’en Bretagne, une grande île de pluie, de verdure et de brouillard. » Partis de Jérusalem, les porteurs du Saint Graal vont accoster aux rivages d’Avalon. Etrange voyage, de l’univers biblique aux mondes de féérie… Merlin, Viviane et Morgane, Arthur, Guenièvre, Lancelot et Perceval apparaissent au fil du récit, ponctué d’illustrations oniriques très réussies.

Dès 10 ans

Christian de Montella, Graal : la légende des chevaliers, Flammarion, 2014, 92 p., 13 €

Cindy et Laura Derieux, Vikingar, Le Danegeld

Cindy et Laura Derieux, Vikingar, Le Danegeld

Normandie, fin du Xe siècle. Le Danegeld, le »tribut aux Danois », attise bien des convoitises. En effet, ce tribut en espèces sonnantes et trébuchantes est levé par les Vikings et vient conforter une sorte de pacte de non agression envers les clans et seigneuries riveraines de la mer du Nord et de la Manche. Dans cette bande dessinée, c’est la guerrière Dithilde qui est chargée d’escorter le précieux coffre d’Angleterre au Danemark. Mais des pirates sanguinaires (comme tous les pirates) écument la mer du Nord… Les tempêtes et les batailles navales sont d’autant plus inquiétantes que les filles de Ran et Jormungandr, le terrifiant serpent de mer, se mettent de la partie.
Le scénario de cette bande dessinée, dû à Cindy Derieux, est d’autant plus intrigant qu’il est elliptique. N’hésitez pas à lire ici les portraits des protagonistes. Quant aux dessins, ils sont de la main de sa sœur Laura, très à l’aise dans les scènes nocturnes. Elles connaissent d’autant mieux l’univers viking qu’elles ont fait partie de l’équipage du voilier Gungnir et participé à des navigations expérimentales. Un navire qui se visite !

Adolescents et jeunes adultes.

Cindy et Laure Derieux, Vikingar, tome 1 : Le Danegeld, Ed Gungnir, 64 p., 18 ‚00 €+ Livraison selon destination. Deux versions : en français ou en anglais. A commander ici.

Alexander Hogh et Jörg Mailliet, Carnets 14–18- Quatre histoires de France et d’Allemagne

Alexander Hogh et Jörg Mailliet, Carnets 14–18- Quatre histoires de France et d’Allemagne

Pour Walter, le baptême du feu a lieu le 24 octobre 1914, quelque part sur le front belge. Lucien, brancardier, multiplie les sorties audacieuses, dans l’espoir d’être décoré. Nessi, qui vit à la ferme, confie ses soucis de fillette à son journal, tout en tartinant son Abendbrot de confiture de navets. Quant à René, il défile en galoches dans la cour de l’école et admire les avions qui survolent Villers-Cotterêts, avant de comprendre que « la guerre n’était plus un jeu ». Quatre destins dans la Grande Guerre, deux allemands, deux français.
« Les histoires de cette bande dessinée ont été élaborées à partir de carnets rédigés par Nessi, Walter et Lucien ainsi que des mémoires de René qui n’a que six ans au début de la guerre. [Ils] ne se sont certes jamais rencontrés, et pourtant leurs histoires individuelles s’assemblent pour former un panorama des sociétés à l’époque de la Première Guerre Mondiale – un témoignage unique de la ‘catastrophe originelle du XXe siècle’ vue par quatre jeunes européens. »

Dès 12 ans

Alexander Hogh et Jörg Mailliet, Carnets 14–18- Quatre histoires de France et d’Allemagne, Le Buveur d’encre, 2014, 120 p., 20 €

Jean-François Vivier et Pierre-Emmanuel Dequest, Hélie de Saint Marc

Jean-François Vivier et Pierre-Emmanuel Dequest, Hélie de Saint Marc

« La vie est un combat. Le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent. » Belles formules à méditer, un peu à l’emporte-pièce, mais sans concession aucune. De la Résistance à la guerre d’Algérie, en passant par trois séjours en Indochine, le destin d’Hélie de Saint Marc concentre les épreuves et les engagements de toute une génération. Disparu en 2013, Hélie de Saint Marc était un homme courageux et méditatif, tolérant et révolté, en un mot déroutant. À la lumière de son aventure, cette bande dessinée reprend les thèmes qui traversent la vie de ce témoin du XXe siècle : le courage, l’engagement, la fidélité, l’honneur, l’amour, la prison, la mort, le sens de la vie…
Les aquarelles – portraits et paysages – de Pierre-Emmanuel Dequest sont d’une émouvante sobriété et aident à « faire passer le message » qu’Hélie de Saint Marc adresse à la jeunesse d’aujourd’hui : « tout se conquiert, tout se mérite ».

Dès 12 ans

Jean-François Vivier et Pierre-Emmanuel Dequest, Hélie de Saint Marc, Editions Artège, 2014, 64 pages, 14,90€.

Jean-Michel Billioud et Jérôme Mondoloni, Saint Louis

Jean-Michel Billioud et Jérôme Mondoloni, Saint Louis

« Le 25 avril 1214, un petit prince naît dans le château de Poissy. Il portera le nom de son père », Louis. Sa mère, Blanche de Castille, veille à ce qu’il reçoive une excellente éducation, plus encore quand le jeune Louis, à la mort de son frère aîné, devient l’héritier du royaume de France. « Chaque jour, Louis va à la messe et étudie les textes bibliques et ceux des grands penseurs » sous la houlette de son précepteur. « Mais il garde les préoccupations de son âge. ‘Encore quelques pages et je file chasser les grenouilles avec Petit Luc et Louison’ », lui fait dire le scénariste de cette jolie bande dessinée. Car cet adolescent studieux n’est autre que le futur Louis IX, connu sous le nom de Saint Louis depuis sa canonisation par l’Église catholique romaine en 1297.
Ce récit en images, consacré aux enfances de Louis, s’achève avec l’entrée du jeune roi, tout juste couronné, et de sa mère, dans Paris. L’ouvrage est complété d’un dossier en dix courts chapitres. On retiendra notamment un tableau généalogique de la famille de Louis, et plusieurs pages sur l’histoire de Poissy, sa ville natale. La ville de Poissy commémore en effet avec fastes le 8e centenaire de la naissance de Saint Louis. 2014 verra donc se succéder de nombreuses manifestations, dont, dimanche 11 mai, un salon du livre sur le thème « Saint Louis et son temps ». Mais aussi journée médiévale, son et lumière, spectacles et expositions…

Dès 8 ans

Jean-Michel Billioud et Jérôme Mondoloni, Saint Louis, TerraMare, 2014, 48 p., 13 €