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Les Petits Platons

Marguerite Souchon, Comment Dostoïevski fut sauvé

« A la vue de l’écrivain égaré, le vacarme cesse et tous les enfants se tournent vers lui, comme une petite armée, attendant un geste de leur maître pour donner l’assaut.
“Je cherchais la sortie du souterrain… Je m’appelle Fiodor…”, bredouille Dostoïevski.
“Et moi, Nikolaï Stavroguine”, répond d’une voix caressante l’ombre sur le trône, qui s’avère être un homme vêtu de noir. »
Cela ne vous fait pas dresser les poils sur les bras ? Un personnage de roman qui s’adresse à son auteur, déjà bien perturbé, brrr… Car avant cet épisode, Marguerite Souchon a conté comment Dostoïevski a subi un simulacre d’exécution, puis a été envoyé au bagne, dont il tente de s’échapper par ce fameux souterrain. Et que Stavroguine ne va-t-il pas demander à son auteur pour lui permettre de recouvrer sa liberté ? Mais il faut bien en passer par cet épisode terrifiant pour, littéralement, revivre quand arrive « un homme de haute taille, aux cheveux flottant sur une sorte de manteau de pèlerin. Nul ne l’a jamais vu, et pourtant tous le reconnaissent ». Un homme qui va opérer un miracle. Le peintre François-Xavier de Boissoudy soutient ce récit à bout de bras – on serait tenté de dire « à bout de pinceaux » : des lavis plus sombres que la nuit alternent avec d’autres, vibrants d’un brasier intérieur dont on se demande jusqu’où on peut l’approcher sans crainte de se brûler… Difficile de pousser plus loin la réflexion sur le bien, le mal, la liberté, la foi et le pardon.

Pour adolescents « solides »

Marguerite Souchon, Comment Dostoïevski fut sauvé, illustrations de François-Xavier de Boissoudy, Les Petits Platons, 2023, 64 p., 16 € — Imprimé en République Tchèque

Anne Waeles, Simone Weil au royaume des Oublieux

Le bac philo est passé – et me voilà à parler de philosophie ? Eh oui, car cette introduction à la pensée de Simone Weil (1909 – 1943), étant plus une fable qu’un cours théorique, peut se lire ben au-delà d’un programme scolaire parfois indigeste.
Au Royaume des Oublieux vivaient deux tribus séparées : celle des Têtes, qui commandaient, et celle des Mains, qui exécutaient. La Brigade de la Gomme veillait. Mais un jour, les Mains se mirent en grève et la propre fille du roi des Oublieux, la princesse Amal, disparut de Têtes-ville…
Cette histoire, contée par Anne Waeles, professeure de philosophie, ouvre sur une réflexion sur l’enracinement, l’attention aux autres, la justice et le sens du travail… Car la princesse Amal, au cœur de la Forêt Noire, a rencontré non pas une sorcière, mais une grande dame de la philosophie : Simone Weil, qui lui explique ceci avec des mots simples :
«  — Quand on veut découvrir une vérité coûte que coûte, il faut parfois sortir de chez soi. C’est ce que tu as fait, en prenant la voie qui t’a conduite jusqu’ici. Mais il existe un autre chemin. Ce chemin, c’est d’exercer… son attention. […] Faire attention, ce n’est pas se concentrer. Ce n’est pas vraiment un effort, il faut plutôt se rendre disponible, se tenir prêt à accueillir la vérité. »
Ce nouveau volume vient étoffer cette riche collection consacrée aux grands philosophes – et celui-là est particulièrement bienvenu dans ces temps agités où les Têtes et les Mains ont du mal à s’entendre, au grand bénéfice des Gommeux.

Dès 10 ans

Anne Waeles, Simone Weil au royaume des Oublieux, illustrations de Magali Dulain, Les Petits Platons, 2022, 64 p., 14 € — Imprimé en Union Européenne.

Louise Guillemot, Les Véritables Aventures d’Homère, premier des poètes

« C’est un symbole.
— Un quoi ? demanda le marin.
Homère sourit.
— C’est “comme si”, dit-il.
Artémis le lui avait appris. “Comme si”, c’est la formule magique pour jouer, imaginer, raconter, chanter. On croit, mais on ne croit pas, les deux à la fois. Les filles et les femmes de Samos ne croient pas vraiment qu’elles partagent un banquet avec la déesse. Elles font “comme si”. Elles comprennent l’importance de ce moment, de leurs gestes, des nœuds dans leurs cheveux. […] si elles en oubliaient le sens, alors Samos ne serait plus Samos. » Et l’Hymne à Artémis ne nous serait pas parvenu, défiant les siècles… Un hymne dit « homérique », car sa beauté est telle que les Grecs pensaient qu’il avait été composé par Homère lui-même.
Homère ? Vous avez dit Homère ? Et vous en savez beaucoup, vous, sur Homère ? Sûrement pas autant que sa Muse, qui, par la plume de Louise Guillemot, raconte ici l’enfance et l’adolescence du « premier des poètes ». Après 3000 ans de mystère, Louise Guillemot vous révèle avec autant d’humour que d’érudition, les « véritables aventures » d’Homère.
Chaque épisode de cette « biographie » 100 % poétique s’appuie en effet, par un somptueux jeu de miroirs, sur un des hymnes aux grandes divinités : Artémis, Athéna, Apollon, Hermès, Déméter, Zeus lui-même… Au fil des pages, les grands mythes fondateurs de la religion grecque font entrer le lecteur dans un monde à la fois très proche et très lointain. Avec le jeune Homère, on rit (oh, la belle bataille d’oranges !), on s’inquiète (hum… quelles curieuses brigandes dans la forêt), on a aussi faim de galettes dorées que soif d’aventures !
Quand on lit une traduction aussi fine et inventive des Hymnes homériques, on se demande quelle folie pousse nos ministres à limiter l’enseignement des langues anciennes à quelques heures de découverte superficielle… Voilà une toute jeune normalienne agrégée dont tous les hellénistes en herbe rêveront de suivre les cours ! En attendant, d’Olympie à Epidaure, de la Crète à Athènes, lacez vos sandales et suivez la Muse !

Dès 12 ans

Louise Guillemot, Les Véritables Aventures d’Homère, premier des poètes, illustrations de Clara Dupré, Les Petits Platons, 2021, 272 p., 19 €

Louise Guillemot, Parménide et la fille du Soleil

« Il était une fois…
Il était une fois quoi ?
Il était une fois un roi qui mangeait des petits pois sur un sofa de soie. »
Rien de tel qu’une comptine absurde pour captiver son auditoire ! Louise Guillemot, jeune normalienne agrégée de lettres classiques, a sorti de son sac à malices tous les ingrédients nécessaires pour faire entrer ses lecteurs à pas menus dans un univers franchement complexe : celui du philosophe grec Parménide d’Elée, qui vécut au tournant du VIe et du Ve siècle avant notre ère. La fille du Soleil, c’est la jeune Phoebé, Phoebé la Lumineuse, qui va nous conduire à la recherche de la Justice et de la Vérité, en passant par la fiction et le réel, sans oublier le principe de non-contradiction. Quel chemin emprunter ? Celui qui s’appelle « EST », ou celui qui s’appelle « N’EST PAS » ? Celui qui va très loin, ou celui qui est d’emblée impraticable ? Fidèles à leur ligne éditoriale, les Petits Platons font rimer poésie et philosophie, dans un conte finement illustré. Les papiers de soie découpés, tout légers de Lauranne Quentric nous font retrouver toute la luminosité grecque – et il en faut pour ne pas se perdre dans la nuit !

De 9 à 99 ans (selon l’éditeur !)

Louise Guillemot, Parménide et la fille du Soleil, illustrations de Lauranne Quentric, Les Petits Platons, 2021, 64 p., 14 € — Imprimé en Union Européenne.

Yan Marchand, Thalès et le trône de la sagesse

Thalès, le célèbre philosophe, vécut au VIe siècle avant J.-C. à Milet, sur la côte ionienne. Ce philosophe et géomètre, connu pour sa créativité et la rigueur de sa pensée, était aussi tête en l’air : la légende veut que, tombé dans un puits, il en soit ressorti tout guilleret : le tube du puits était épatant pour observer les étoiles !
Le récit commence par une pêche miraculeuse à Milet : un trône d’or forgé par le dieu Héphaïstos lui-même ! Mais il est écrit qu’il doit revenir au plus sage… Thalès, à l’aide ! Où trouver un vrai sage, dans ce monde déchiré par des tyrans cupides ? Pour connaître la réponse, il faudra résoudre une énigme… pharaonique.
Le lecteur est conduit à rencontrer les grandes thématiques milésiennes : la sagesse, le savoir, la géométrie, le pouvoir, la richesse… Au croisement de combats, de voyages et d’énigmes, des raisonnements mathématiques et géométriques y sont présentés. Familiarisez-vous à la pensée de Thalès, figure foisonnante pour notre imagination, grâce à la limpidité et l’humour de ce conte fabuleux relatant des épisodes fantastiques où se rencontrent pharaons, tyrans, dieux, philosophes et pêcheurs.

Dès 12 ans et pour tous les apprentis philosophes

Yan Marchand, Thalès et le trône de la sagesse, illustrations de Clara Dupré, Les Petits Platons, 2021, 64 p., 14 €

Louise Guillemot, Pythagore et la grande évasion des nombres

« C’était un triangle rectangle, dont les côtés étaient représentés par des galets posés à intervalles égaux : trois galets pour un côté, quatre pour un autre, et cinq pour le dernier.
Mais ce triangle avait quelque chose de curieux : chacun de ses côtés était aussi l’un des côtés d’un carré. Il y avait donc un carré dont les côtés mesuraient trois galets, un carré de quatre galets de côté, et cinq galets pour le dernier.
On aurait dit que le triangle avait des ailes. »
Si ma prof de maths avait dessiné au tableau un triangle prêt à s’envoler, j’aurais bien plus vite compris le fameux théorème qu’un certain Pythagore, dans cet album, explique à ses élèves un beau jour du VIe siècle avant J.-C. Juste un épisode dans ce récit dont les nombres sont les héros : Un, Deux, Trois et Quatre. Imaginez qu’ils se sont évadés de la vie quotidienne pour se retrouver à Crotone, en Grande-Grèce. Ils y découvrent qu’ils ne sont pas seulement utiles, mais qu’ils sont beaux et nécessaires à l’harmonie du monde.
Une initiation onirique aux mathématiques, il fallait l’oser – mais ces paris extraordinaires sont la marque de fabrique des éditions de Petits Platons. 1, 2, 3, partez !

Dès 9 ans

Louise Guillemot, Pythagore et la grande évasion des nombres, illustrations d’Anna Griot, Les Petits Platons, 2021, 64 p., 14 € — Imprimé en Europe.

Yves Marchand, Les Mystères d’Héraclite

Yves Marchand, Les Mystères d’Héraclite

Sur les marches du temple d’Artémis, à Ephèse, un adolescent n’écoute guère les tirades de son père. Il est là, bouche bée, à regarder passer la jolie petite Népias, la fille d’un riche citoyen de la ville. Il se nomme Héraclite, et ne sait pas encore qu’il sera encore célèbre dans 2500 ans ! Célébrer le culte de Déméter, être initié aux mystères d’Eleusis, en revenir avec la promesse de devenir immortel ? Être invité à profiter de sa jeunesse, de sa réputation, de sa fortune, et, bientôt, de la jeune Népias ? Mais voilà que le jeune homme se met à douter en regardant le Caÿstre. « Ce fleuve… Ce vieux fleuve… Il s’écoule… Tout s’écoule. Personne ne se baigne deux fois dans la même eau. Si bien que l’on se baigne et que l’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. » Et le philosophe de refuser une vie toute tracée : « Tout s’écoule, mais qui regarde-t-on ? Celui qui se laisse emporter sans un mot, comme les moutons qui tombent de la berge, ou le nageur qui lutte contre les courants ? Qui des deux aura eu la vie la plus belle, même si la fin est la même ? »
Fidèle à l’esprit de la collection, « Les Mystères d’Héraclite » traduit en un récit mi-fable mi-biographie ce que la pensée d’Héraclite (535 –475 avant J.-C.) a apporté à la philosophie grecque.

Adolescents

Yves Marchand, Les Mystères d’Héraclite, illustrations de Donatien Mary, Les Petits Platons, 2015, 64 p., 14 € — Imprimé en France

Nathalie et Christophe Prince, Ainsi parlait Nietzsche

« Loin, plus loin que n’est allé le plus grand voyageur, se trouve une chaîne de montagnes, et au bout de cette chaîne, il y a une montagne plus haute encore et plus solitaire que les autres.
Sur cette montagne vivent un homme, un aigle et un serpent.
Un homme… Il faudra creuser cette question ! Disons que c’est le héros de cette histoire. Il s’appelle Friedrich Nietzsche et la montagne s’appelle le mont Zarathoustra. L’aigle et le serpent ne s’appellent pas, car ils sont toujours là. » Avec un talent de conteurs inimitable, Nathalie et Christophe Prince conduisent le lecteur à la suite du philosophe : dans son périple, de la montagne vers la ville et plus loin encore, ils lui font rencontrer le funambule, la Sphinge, le grand dragon TUDOIS, le lion, les mouches bourdonnantes, les filles-fleurs, le plus laid des hommes… jusqu’au jour où le philosophe remonte sur sa montagne. Et là, il entame, avec un enfant, une partie de cache-tampon. « L’enfant, sa dernière métamorphose ». Le Lyonnais Yann Damezin, venu de la BD, illustre cet album avec une fantaisie virevoltante très colorée qui nous maintient en alerte au fil des pages.
Les Petits Platons ont fait le choix audacieux d’initier les enfants à la philosophie. L’équipe propose, outre ses ouvrages, des causeries et des ateliers philo. Mais l’audace se traduit aussi par des prises de risques financiers ! Ainsi, ce volume a pu être imprimé grâce à une levée de fonds. Et cela a marché ! Vous pouvez donc acheter ce volume et tous les autres en ligne auprès de la librairie des Petits Platons.

Dès 9 ans – et sans limite d’âge

Nathalie et Christophe Prince, Ainsi parlait Nietzsche, illustrations de Yann Damezin, Les Petits Platons, 2020, 64 p., 14 € — Imprimé en Europe

Marion Kadi et Abram Kaplan, Newton et la confrérie des astronomes

Marion Kadi et Abram Kaplan, Newton et la confrérie des astronomes

Ce beau matin de 1682, Isaac Newton s’émerveille : son voisin a sept chats ! « Un chat rouge, un chat orange, un autre jaune, un vert, un bleu, un indigo et un violet. » Ou bien, n’en a‑t-il qu’un, couleur de chat ? Car notre savant a chaussé de curieuses lunettes, faites de « prismes en verre à cinq faces », lesquels décomposent la lumière blanche. Passionné d’optique, Newton a aussi construit une longue-vue, dont la perte va déclencher une série d’aventures et de rencontres plus loufoques les unes que les autres : on y croisera quelques pingouins mais surtout la « confrérie des astronomes », à laquelle appartiennent Ptolémée (curieusement féminisé), Copernic, Galilée, Kepler, Descartes, Leibnitz et Halley. Le temps d’un voyage spatial, à la découverte des grandes théories de la science moderne.

Dès 10 ans

Marion Kadi et Abram Kaplan, Newton et la confrérie des astronomes, illustrations de Tatiana Boyko, Les Petits Platons, 2018, 64 p., 14 € — Imprimé en Europe

Les Petits Platons, c’est aussi une librairie qui organise des ateliers philo pour les enfants et les adolescents.

Yan Marchand, Socrate président !

Yan Marchand, Socrate président !

Imaginez la surprise de Socrate, revenu dans notre XXIe siècle pour tenter de faire valoir la justice et la paix… Qu’il est loin, le Ve siècle avant J.-C. où il philosophait sous le soleil d’Athènes ! Et pourtant, ici comme là-bas, les hommes sont tout autant avides de vaines richesses et de discours lénifiants. Et encore plus, eh oui, quand s’annoncent des élections… présidentielles. Sur la trame du Gorgias de Platon, Yan Marchand invite le lecteur à réfléchir sur les techniques de manipulation de l’opinion, sur l’ordre social et la justice. Au terme d’une campagne effrénée, qui sera élu président, de Gorgias ou de Socrate ?
Les illustrations très colorées de Yann Le Bras sont pleines d’humour, notamment quand on voit nos deux protagonistes contempler un immense supermarché. Mais pourquoi donc avoir donné à Gorgias les traits d’un certain Donald Trump ? Est-ce bien politiquement conforme ?

La collection des Petits Platons a pour projet d’initier les enfants dès 9 ans à la philosophie et, au-delà de ses parutions, propose des ateliers philo.

Dès 9 ans

Yan Marchand, Socrate président !, illustrations de Yann Le Bras, Les Petits Platons, 2017, 64 p., 14 €

Claude-Henri Rocquet, Erasme et le grelot de la Folie

Claude-Henri Rocquet, Erasme et le grelot de la Folie

« Il fut baptisé sous le nom de Gérard, en 1468 ou 1469, à Rotterdam, mais il désire aujourd’hui qu’on l’appelle Erasme, parce qu’en grec ce nom signifie le ‘désiré’, ‘l’aimé’. Qu’est-ce qui le tourmente ? La lune ? La pleine lune ? On dit qu’elle tourneboule les esprits. » Demain, le jeune homme doit prononcer un discours devant les professeurs de la Sorbonne. Sera-t-il alors admis comme maître ? Et voilà que Marotte se pique de lui souffler son texte…
Dans une farandole échevelée digne des plus grands carnavals, passent Saint Thomas et Diogène, les proverbes flamands – ceux du tableau éponyme de Brueghel l’Ancien – dansent avec ceux de Villon, avant de nous embarquer sur la nef des fous… Bref, impossible de reprendre son souffle avant la fin du rêve d’Erasme !
La collection des « Petits Platons » a pour vocation de faire connaître et aimer la philosophie. Les ouvrages, malgré leur petit format et leurs illustrations dynamiques, s’adressent à des collégiens et à des lycéens déjà « armés » d’une solide culture générale.
L’équipe des Petits Platons organise aussi des ateliers et des rencontres philo. Dès janvier notamment, les Petits Platons remontent sur les planches de l’Odéon à Paris pour une nouvelle saison d’ateliers philo.

Adolescents et adultes

Claude-Henri Rocquet, Erasme et le grelot de la Folie, illustrations de Céline Le Gouail, Les Petits Platons, 2012, 64 p., 14 €