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J. Patrick Lewis, L’Auberge de Nulle Part

Qui n’a jamais rêvé de partager quelques heures avec le Baron perché, Moby Dick ou la Petite Sirène, avec Huckleberry Finn ou le Petit Prince ? De les croiser à l’heure du goûter, d’oser – ou non – leur adresser la parole ? C’est ce qui arrive à ce dessinateur en panne d’histoires, qui, au volant de sa 4L rouge, parvient un soir dans une curieuse auberge, au bord d’une mer bien agitée. Heureusement pour lui, car ces personnages, dont la mémoire flanche parfois, lui donnent l’occasion de renouveler son talent. Et heureusement pour nous, car le pinceau envoûtant de Roberto Innocenti ravive notre mémoire et entraîne notre imagination vers des horizons insoupçonnés.

Dès 9 ans

J. Patrick Lewis, L’Auberge de Nulle Part, illustrations de Roberto Innocenti, Gallimard, 2002 (réédition 2020), 48 p., 20 € — Traduit de l’anglais (USA) – Imprimé en Chin

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes

Les « Châteaux de la Loire », ce sont ceux qui ont vu passer Jeanne – « Son âme était récente et sa cotte était neuve ». Suivent deux prières : Jeanne y demande un « chef de guerre » capable de « faucher les Bourguignons », avant de prier monsieur saint Michel, madame Catherine et madame Marguerite. Car « mener la bataille, ô je ne le peux pas », oppose-t-elle à leur « voix inoubliable ». Mais, fille obéissante, elle fait néanmoins ses « adieux à la Meuse » et à la maison de son père. Et vient le coup de tonnerre – quels adolescents apprendront par cœur les terribles « Imprécations de Guillaume Evrard » — « Elle ira dans l’Enfer avec les Morts damnés »… Imprécations auxquelles Jeanne répond, de la Tour où, prisonnière, elle se sent abandonnée, douloureuse à jamais. Avant de marcher au supplice.
Les illustrations de Nathalie Parain sont d’une discrétion exemplaire, très fines, d’une élégance qui allie force et douceur.
Ce petit opuscule, en édition originale et d’une fabrication si soignée, a passé quelques années sur les étagères de la bibliothèque d’un collège de Rueil Malmaison. Si l’on en croit la fiche encore glissée dans le livre, il a été emprunté – pour la dernière fois – en 1983 par un élève de 6e.

Dès 12 ans

Charles Péguy, Jeanne d’Arc, cinq poèmes, illustrations de Nathalie Parain, typographie Deberny-Peignot, NRF Gallimard, 1952, 62 p. – En brocante ou chez des libraires de livres anciens. 10 € chez Le Facteur Cheval à Versailles.

Erik L’Homme, Le Maître des brisants, l’intégrale

«  — Service des détections, mon commandant, lui dit une voix féminine dans le combiné. Nous vous signalons qu’une flotte entière approche de Planète Morte ! Nous comptons déjà plus de deux cents vaisseaux.
— Par la corne du Gôndül, s’exclama Brînx Vobranx. Pouvez-vous… pouvez-vous les identifier ?
— Oui, commandant : ils arborent tous l’oiseau rouge du khan de Muspell. Et…
— Et ? »
C’est alors une lutte sans merci qui va s’engager pour la survie de l’empire. Aux premiers rangs, Xâvier le stratège, Mörgane la devineresse et leur ami Mârk.
Les trois tomes des Maîtres des Brisants sont ici réunis : Chien-de-la-lune, Le Secret des abîmes et Seigneurs de guerre. Quelques heures de lecture en vue dans une étonnante galaxie !

Dès 9 ans

Erik L’Homme, Le Maître des brisants, l’intégrale, Gallimard, coll. Folio Junior, 2019, 656 p., 9,90 €

Claudine et Roland Sabatier, Le livre des chansons, Chansons de France et d’ailleurs

Claudine et Roland Sabatier, Le livre des chansons, Chansons de France et d’ailleurs

Claudine et Roland Sabatier ont sélectionné et illustré, pour notre grand bonheur, plus de 200 chansons du répertoire traditionnel. Si chacun connaît encore par cœur « Frère Jacques », ou « La souris verte », qui chante encore de mémoire « Les gars de Locminé », « Le sire de Framboisy » ou « Catherine était chrétienne » ? Chants de nourrice, chants de marins, chants de marche, chants de veillées, rondes, chants révolutionnaires… et quelques chansons à partager avec des amis étrangers, comme « Heidenröslein », « Molly Malone » ou « Kalinka », feront passer d’excellents moments. Les paroles originales sont accompagnées de la partition. Bref, un trésor aux images gaies et parfois impertinentes !

Pour toute la famille

Claudine et Roland Sabatier, Le livre des chansons, Chansons de France et d’ailleurs, Gallimard, 2009, 464 p., 15,50 €

Cruschiform, Colorama : imagier des nuances de couleurs

Cruschiform, Colorama : imagier des nuances de couleurs

Du blanc et du beige ? Non, écoutez bien ! Blanc neige, lait, blanc de paix, albinos, blanc d’albâtre, blanc polaire, fleur de coton, écorce de bouleau, phalène blanche et blanc poudré – voilà de quoi rêver. Un peu plus de gris que de rose dans le blanc ? Voilà les larmes d’Aphrodite, la fleur de sel et le clair de lune. Chacune des 133 nuances de couleurs choisies par l’auteur donne lieu à un texte illustré, faisant face à une page entièrement colorée de ladite nuance. Ainsi, nous apprenons qu’au « Moyen Age, le bois de braise, un bois exotique rouge comme la braise, était importé en Europe par des marchands vénitiens de retour des Indes. Précieux colorant, il permettait de teindre des tissus de diverses nuances, du rouge au violet clair. » Et quand les Portugais découvrirent une terre couverte de bois de braise, ils la baptisèrent… Brésil. Cruschiform est le nom du studio de graphisme de la jeune artiste Marie-Laure Cruschi qui maîtrise aussi bien la typographie, le graphisme que l’illustration – avec une jolie touche de poésie.

Dès 8 ans et pour toute la famille

Cruschiform, Colorama : imagier des nuances de couleurs, Gallimard, 2017, 280 p., 25 €

Holly Goldberg Sloan, La vie par 7

Holly Goldberg Sloan, La vie par 7

Willow Chance. Quel drôle de nom pour une héroïne de roman ! Se faire prénommer Willow, « saule », par des parents adoptifs californiens quand on est une enfant d’origine vietnamienne, passe encore. Mais Chance ? Alors que tout semble se coaliser contre cette adolescente surdouée – passionnée par le chiffre 7, les plantes et les microbes, mais pas du tout par ses professeurs, sans amies, la voilà accusée à tort d’avoir tricher… Là-dessus, ses parents adoptifs se tuent en voiture. Grande solitude. Mais pas pour longtemps car la jeune fille révèle au fil des pages un talent caché : celui de fédérer autour d’elle des personnes aussi isolées et fragiles : deux lycéens d’origine vietnamienne et leur mère, un chauffeur de taxi latino, et jusqu’au conseiller psychopédagogique, vieux garçon un peu crasseux… Vous l’avez deviné, Willow ne sera pas la seule à se « reconstruire ». Un roman américain bien construit, qui permet de dédramatiser bien des petits soucis adolescents.

Dès 12 ans

Holly Goldberg Sloan, La vie par 7, Gallimard, 2014, 368 p., 17,50 €

Timothée de Fombelle, Le Livre de Perle

Timothée de Fombelle, Le Livre de Perle

Dans le monde de la féerie, il est Iliån, elle est Oliå – ce sont les « gentils ». Pourchassés – et plus encore -, par des très « méchants » qui tyrannisent une « terre gaste », toute de glace et de vents mauvais. Dans « notre » monde, le narrateur, 14 ans, tout enamouré par une vision fugitive, est recueilli par un étrange personnage, reclus au milieu de nulle part, dans une grange « habitée » de centaines de valises. Vous en dire plus ne serait pas de jeu. Mais si, comme madame la Chouette, vous croyez aux fées et aux passages entre les mondes, vous vous demanderez peut-être pourquoi Timothée de Fombelle a choisi de faire revivre Iliån le fugitif dans le Paris des années 1940 sous le nom de Joshua Perle… Un lieu et une époque certes riches en matière romanesque, où personne ne se souciait plus de féerie – mais tout de même… faire coup-là aux princes charmants et aux fées de notre vieille Europe…

Dès 13 ans

Timothée de Fombelle, Le Livre de Perle, Gallimard, 2014, 304 p., 17 €

Erik L’Homme, Le regard des princes à minuit

Erik L’Homme, Le regard des princes à minuit

Danser ? Oui, mais la mazurka, dans la lumière glauque d’un parking souterrain. Dormir à la belle étoile ? Oui, mais dans un cercle mégalithique au cœur de Brocéliande. Préférer la lecture à la télévision ? Oui, mais pas avant d’avoir détruit un relais hertzien. Monter sur un tatami ? Oui, mais pour affronter filles et garçons sans règles autres que celles de ses forces intérieures. Escalader ? Oui, mais pour tutoyer la girouette de Notre-Dame. Se faire de nouveaux amis ? Oui, mais dans le secret des catacombes interdites. Savoir refuser ? Oui – mais… cette septième et dernière épreuve, le lecteur la découvrira, non sans inquiétude. Toujours sur le fil de l’arête, Erik L’Homme lance ici de nouveaux défis : dans quelles fortes et folles aventures la jeunesse est-elle prête à se lancer pour « entrer en résistance – en dissidence », pour « décontenancer l’époque dans laquelle nous vivons », pour « redonner de l’épaisseur au monde et à l’existence » ?

Dès 12 ans

Erik L’Homme, Le regard des princes à minuit, Gallimard, coll. Scripto, 2014, 144 p., 7,65 €

Delphine Gravier-Badreddine, Chevaliers et châteaux forts

Delphine Gravier-Badreddine, Chevaliers et châteaux forts

La herse levée, franchissons le pont-levis pour entrer dans la cour de cet impressionnant château-fort. Que de monde ! Paysans, artisans, serviteurs, jongleurs de passage, enfants… Notre cheval à l’écurie, montons dans le donjon ! Justement, nous pouvons en découvrir tous les étages. Cet album permet aux plus jeunes de découvrir la vie au Moyen Age, de l’école du château au tournoi, de la partie de chasse au festin, de la leçon d’équitation jusqu’à l’attaque. Car la vie n’est pas toujours paisible, loin de là. Sinon, à quoi serviraient ces puissantes murailles ? Des dessins de qualité, ni mièvres ni vulgaires, un vocabulaire riche et précis font de cet album une belle réussite.

Dès 5 ans

Delphine Gravier-Badreddine, Chevaliers et châteaux forts, Gallimard, Mes Premières Découvertes, 2011, 80 p., 11,70 €

Henri Pourrat, La Queue du diable

Henri Pourrat, La Queue du diable

Rapatou, le drac, l’ogre, que de diables dans nos vertes campagnes – et surtout, allez savoir pourquoi, en Auvergne. « En oppositions avec le Diable, principe du mal dans la religion chrétienne, les diables du terroir et des contes ne sont que de malicieuses créatures. Certes rusées et toujours à la recherche d’un méchant tour à jouer, ils se retrouvent, bien souvent, victimes de leurs propres diableries », précise Henri Pourrat (1887–1959). Et il en connaît de ces diablotins qui entrent dans les étables, chahutent les apprentis et passent des marchés truqués des plus malhonnêtes. Mais à filou, filou et demi ! Le conte est là pour rétablir l’ordre du monde, pour faire gagner le troisième fils, la pauvre bergère ou le fin valet. Tout cela pour vous dire que si vos adolescents sont attirés par de stupides diableries venues du Michigan profond, rien ne leur vaudra une bonne cure de Pourrat !

Dès 12 ans

Henri Pourrat, La Queue du diable, Gallimard, coll. « 1000 Soleils », 1974, 180 p. En brocante.

Marcel Aymé, Enjambées

Marcel Aymé, Enjambées

Le chien Pyrame et ses comparses, César et Béfort ; les dix-huit rejetons du peintre Olgerson, peintres eux-aussi ; l’èlève Saligon qui, tout latiniste qu’il est, met du caoutchouc à fondre sur le poêle ; les poulbots de Montmartre qui rêvent devant les « bottes de sept lieues » du brocanteur véreux – lequel joue aux échecs avec un oiseau empaillé ; la petite Valérie qui se ronge les ongles… et la fée Udine, dont le chariot attelé de lapins blancs ne passe guère inaperçu sur les départementales. Entre les Contes du Chat perché et les romans pour grandes personnes que sont La Jument Verte ou Uranus, Marcel Aymé a pensé aux collégiens avec ces récits tendres et farceurs.
Pas plus chers que des livres de poche, mais bien plus agréables à lire, les ouvrages publiés dans les années 1970 dans la collection « 1000 soleils » se trouvent facilement sur les quais et dans les brocantes.

Dès 11 ans

Marcel Aymé, Enjambées, Gallimard, coll. « 1000 Soleils », 170 p. En brocante. Existe aussi en poche.

Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

14 juin 1941. D’un seul coup, la vie de Lina bascule. « Ils m’ont arrêtée en chemise de nuit. » « Ils », les policiers du NKVD, la police secrète soviétique. Commence, pour cette adolescente lituanienne douée pour le dessin, un voyage au bout de la nuit, qui la mène, ainsi que sa mère, son jeune frère et des milliers de concitoyens, jusque dans un camp de travail en Sibérie. La faim, le froid, la mort, la peur…
Ruta Sepetys a interrogé les survivants de ce drame. Leurs souvenirs d’adolescents donnent au roman une force et une sincérité sans pareilles. Avec tous ces petits riens qui ne s’inventent pas, ces gestes minuscules, ces espoirs cultivés au creux de la main… Une hymne au courage, à la volonté de vivre, à l’énergie de ces peuples si longtemps oubliés, nos voisins baltes. Une lecture dont on ne sort pas indemne.

Pour grands adolescents et pour adultes

Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, Gallimard, coll. « Scripto », 2011, 432 p., 14 € — Gallimard, Coll. « Pôle Fiction », 2015, 7,75 €