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coll. « Pôle Fiction »

Erik L’Homme, Nouvelle Sparte

Nouvelle Sparte sort en format poche ! L’occasion de republier ma chronique sur ce roman fascinant ! « Alexia prononça les paroles rituelles qu’elle n’avait pas le droit de prononcer – il n’y avait aucun serment et aucun vol avant la troisième année académienne. “Belle squaline… Je te confie ma vie… Emporte-moi dans le ciel…“La porte devant elle s’ouvrit automatiquement quand le caisson fut plein. Alexia enclencha l’aqua-mode, actionna le levier de commande. La squaline se faufila-glissa dans l’obscurité froide des profondeurs du Baïkal. Le cœur d’Alexia vibrait d’une excitance totale. » Car la jeune fille a enfreint les lois de la Nouvelle-Sparte, cette cité recréée sur les rives du Baïkal après les Grands Bouleversements qui avaient, deux siècles plus tôt, « renversé les pays du Monde‑d’avant ». Aux commandes de son engin, Alexia n’a qu’un seul but : aller sauver son ami Valère, aux prises avec de dangereux personnages qui perturbent sa mission dans la sombre Occidie.
Avec leurs jeunes compagnons, Valère et Alexia sont parvenus, quelques semaines auparavant, au terme de leur formation et ont vécu les épreuves de la terrible kryptie. Ils ont entendu le discours de la grande-prêtresse d’Hestia : « La force de la Fédération ne réside ni dans ses satellites-tueurs ni dans ses féroces squalines, mais dans le caractère de ses citoyens ! Leurs vertus – courage, ruse, tempérance – sont le vent qui nous porte vers tous les rivages ! La clef de tous les trésors, le marteau qui forge les patries vivantes, le bouclier sans lequel aucune civilisation ne saurait durer ! » Il était donc temps de passer à l’action !
Erik L’Homme signe ici un roman ambitieux, où la science-fiction se nourrit de l’héritage homérique, que ce soit dans le rythme du récit, dans la création de néologismes (« ils se sourire-lumière ») ou dans les discours du philosophe Goas. Empruntant à la fois à l’Iliade – comment réagir aux attentats qui sèment le chaos dans la cité ? – et à l’Odyssée – Valère est prisonnier en Occidie des charmes d’une sulfureuse Circé -, ce trépidant roman d’aventures futuristes est aussi une belle leçon de vie pour ceux qui ont « l’âge-de-toutes-les-folies ». Rassurez-vous, inutile d’avoir planché son grec ancien au lycée pour entrer dans la Nouvelle-Sparte – mais les hellénistes y trouveront un charme supplémentaire. Les lecteurs de Sylvain Tesson ne seront pas déçus non plus, pour des raisons plus… baïkaliennes.

Adolescents, jeunes adultes

Erik L’Homme, Nouvelle Sparte, Gallimard Jeunesse, coll. « Pôle fiction », 2020, 320 p., 6,90 €

Erik L’Homme, Des pas dans la neige, aventures au Pakistan

Erik L’Homme, Des pas dans la neige, aventures au Pakistan

« J’eus la désagréable sensation d’être épié. J’entendais du bruit, quelque chose qui s’approchait furtivement de moi, sous le couvert des arbres. Le poignard que je portais à ma ceinture était resté à l’intérieur, sous mon oreiller. Je me redressai et lançai un “Qui va là ?” aussi faible que dérisoire.
Les bruits cessèrent.
Mon cœur battait à tout rompre. Cela était-il possible ? A peine arrivé dans notre zone de recherche, je tombais sur le fameux Homme sauvage qui occupait une bonne moitié de nos conversations depuis des semaines ! »
Eh non… ce n’est pas l’Homme sauvage qui épie Erik L’Homme, en cette belle nuit de 1990 (environ !). Ce sont… des loups, encore nombreux dans les forêts autour de Chitral, dans les montagnes pakistanaises. Quant au barmanou, à l’almasty, au Velu, il va nous entraîner dans des aventures rocambolesques. Mais des aventures bien réelles ! De ce voyage en compagnie de son frère Yannik et du naturaliste catalan Jordi Magraner, Erik L’Homme est revenu la tête farcie de légendes, de climats hostiles, de mondes imaginaires, bref, de quoi nourrir ses romans pour les années à venir. Rassurez-vous : il lui arrive encore de boucler son sac à dos et de partir sur les chemins !

Dès 12 ans

Erik L’Homme, Des pas dans la neige, aventures au Pakistan, réédition 2016 du texte de 1994, Gallimard Jeunesse, coll. « Pôle Fiction », 5,70 €

Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

14 juin 1941. D’un seul coup, la vie de Lina bascule. « Ils m’ont arrêtée en chemise de nuit. » « Ils », les policiers du NKVD, la police secrète soviétique. Commence, pour cette adolescente lituanienne douée pour le dessin, un voyage au bout de la nuit, qui la mène, ainsi que sa mère, son jeune frère et des milliers de concitoyens, jusque dans un camp de travail en Sibérie. La faim, le froid, la mort, la peur…
Ruta Sepetys a interrogé les survivants de ce drame. Leurs souvenirs d’adolescents donnent au roman une force et une sincérité sans pareilles. Avec tous ces petits riens qui ne s’inventent pas, ces gestes minuscules, ces espoirs cultivés au creux de la main… Une hymne au courage, à la volonté de vivre, à l’énergie de ces peuples si longtemps oubliés, nos voisins baltes. Une lecture dont on ne sort pas indemne.

Pour grands adolescents et pour adultes

Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, Gallimard, coll. « Scripto », 2011, 432 p., 14 € — Gallimard, Coll. « Pôle Fiction », 2015, 7,75 €