Thème

A partir de 10 ans

Jack London, Croc-Blanc

« — Kitché ! dit-il d’une voix qui claque.
Ce seul nom changea la situation. Sous les yeux stupéfaits de son petit, la louve rousse se tapit aux pieds de l’Indien en remuant la queue comme une chienne qui ferait la fête à son maître.
— Kitché était à mon frère, elle s’est échappée pendant la famine qui l’a tué ! dit l’Indien à ses compagnons. C’est la fille d’une chienne et d’un loup, aussi vrai que je m’appelle Castor-Gris. […]
Le louveteau se serra contre sa mère.
— Ce petit a donc un peu de chien et beaucoup de loup en lui, constata Castor-Gris. Je le garde et je l’appellerai Croc-Blanc ! »
Castor-Gris aura la malheureuse idée de céder Croc-Blanc à Beauty Smith, qui ne verra en lui qu’un loup apte au combat, mais il sera sauvé par Weedon Scott, un bien sympathique ingénieur des mines.
Le roman a été adapté par Christine Palluy pour de jeunes lecteurs dans le respect du texte de Jack London ; il est superbement illustré par Eric Puybaret, qui a donné des silhouettes très élégantes aux personnages du roman et une belle allure à ses héros à quatre pattes.

Dès 9 ans

Jack London, Croc-Blanc, adapté par Christine Palluy, illustrations d’Eric Puybaret, Lito, 2022, 96 p., 16,90 € — Imprimé en Europe.

Jean de La Fontaine, Fables

Choisir des Fables répond à peu près toujours à un savant dosage entre fables connues et archi-connues, et fables moins souvent apprises ou carrément oubliées. Ce recueil a bien compris la recette : entre « Le Lièvre et la Tortue » et « Le Lion et le Rat », il est bien agréable de lire « Le rat et l’Huître » ou « L’Eléphant et le Singe de Jupiter ». J’avais oublié que Jupiter eût un singe !
Même si la plupart des œuvres de Catherine Meurisse ne sont pas à mettre sous des yeux enfantins, ne boudons pas notre plaisir avec ses Fables ! Elle explique dans une page pleine d’à‑propos comment « les Fables agissent sur un dessinateur comme un appeau : on dresse l’oreille et on ne peut y résister. […] L’appel des Fables, c’est l’appel de la forêt. Forêt de roseaux et de buissons, de bêtes sauvages et d’animaux de ferme, de rois et de bergers, de paysannes et de déesses. Forêt d’images populaires, de morales bien connues. Des mythes, des chansons. » C’est bien cela, une tradition, n’est-ce pas ?

Dès 7 ans

Jean de La Fontaine, Fables, illustrations de Catherine Meurisse, Réunion des Musées nationaux, 2022, 80 p., 19,90 € — Illustrations gravées en France, album imprimé en Belgique.

Jesse Goossens, Grand Nord

« Je parcours près de 5000 km par an, soit plus qu’aucun mammifère terrestre ! Pas tout seul, heureusement, ce serait ennuyeux. Au printemps, mon troupeau rassemble cent mille rennes (appelés “caribous” au Canada), mais on a parfois vu des hardes cinq fois plus nombreuses. Il faut un bon moment pour que nous soyons tous passés – j’espère que tu n’es pas pressé. » Loup, élan, ours blanc, glouton, renne ou renard arctique font partie des grands animaux qui peuplent ce Grand Nord. Mais connaissez-vous le macareux huppé, l’eider à tête grise ou le starique cristatelle ? Ce dernier fait son nid « sur les côtes de petites îles, entre les pierres et dans les creux des rochers ». Le mâle est très élégant, avec sa crête de plumes et son bec jaune, qui vire à l’orange à la saison des amours, et avec sa douce odeur de… mandarine. Mais quel vacarme produit sa colonie ! Plus d’un million d’oiseaux qui gémissent, aboient, caquètent, grognent et claironnent à qui mieux mieux, cela doit s’entendre de loin !
Les portraits de 35 animaux des territoires arctiques ont été réalisés sous la forme de magnifiques gravures sur linoléum, en pleine page. Les textes, faciles à lire, foisonnent d’informations passionnantes. Vite, un bonnet, une doudoune bien chaude, et c’est parti pour le Spitzberg, la Laponie ou le Groenland !

Dès 7 ans

Jesse Goossens, Grand Nord, illustrations de Marieke ten Berge, Rue du Monde, 2022, 88 p., 21 € — Traduit du néerlandais par Catherine Tron-Mulder.

Luc Ferry, Jason ou la quête de la justice

Pourquoi Jason est-il un jour parti à la recherche de la Toison d’or ? Bien sûr, cette peau de mouton n’appartenait pas à un mouton ordinaire. Faite d’un métal précieux, elle aurait pu attirer la convoitise… Mais non, ce n’est pas la richesse que va chercher Jason, et peut-être même pas la gloire. Comme le raconte Luc Ferry, il va « rencontrer des êtres surnaturels et singulièrement dangereux sur son chemin – entre autres un taureau qui crache le feu, des guerriers sanguinaires […], les abominables Harpyes, un dragon terrifiant », sinon, il n’y aurait pas d’aventures. Mais il est d’abord là « pour réparer une injustice commise par un roi scélérat », pour remettre de l’ordre dans un désordre qui menace hommes et dieux.
Ce voyage des Argonautes, tel qu’il a été raconté dans le monde antique, puis maintenant par Luc Ferry, ce ne fut pas une partie de plaisir… Cet album est un des rares à évoquer le mythe des Argonautes, et il le fait avec justesse, ce qui implique aussi d’édulcorer le moins possible. C’est par amour pour le fringant Jason que Médée déploie ses premiers enchantements, mais nous, nous savons déjà quels crimes la nièce de Circé commettra par la suite, et cela nous fait encore frémir.

Dès 9 ans

Luc Ferry, Jason ou la quête de la justice, illustrations de Nicolas Duffaut, Glénat Jeunesse, coll. « La sagesse des mythes », 2019, 64 p., 12,50 € — Imprimé en Espagne

S. Corinna Bille, Petits Contes de Noël

« J’aimais beaucoup la maison de ma grand-mère. C’était une drôle de maison tellement pleine de choses qu’il n’y avait plus place pour un seul grain de poussière, disait-elle. Mais j’aimais par-dessus tout la crèche de verre. » A force de la regarder de loin, puis de (trop) près, voilà que la fillette « toucha la vitre qui vola en éclats. Complètement abasourdie, » elle se retrouva… dans la crèche, à s’entretenir avec Joseph et Marie. Ou n’est-elle que tombée de la chaise ? De ces neuf petits contes de Noël se dégage une douce nostalgie : en hiver, il fait froid, on peut tomber malade, attendre la neige ou se perdre dans la nuit. On peut aussi rêver de ne plus être seul, ou ne pas vouloir rester dans son carton comme cette si belle poupée. Et sous la plume de Corinna Bille (1912–1979), même le Père Noël photographe des grands magasins a droit à notre bienveillance… Certains contes se prêteront fort bien à une lecture à voix haute devant la cheminée.

Dès 12 ans –certains contes sont à lire à voix haute en famille

Corinna Bille, Petits Contes de Noël, illustrations de Hannes Binder, La Joie de Lire, coll. « La petite bibliothèque de S. Corinna Bille », 78 p., 14,90 € — Imprimé en Lettonie

 

Susanna Davidson et Rosie Dickins, Contes de filles intrépides et incroyables des mythes grecs

Les jeunes lectrices (leurs frères et leurs cousins aussi, bien sûr !) feront ici connaissance avec les déesses et les héroïnes venues du plus lointain monde grec, celui des mythes et des légendes. Gaïa, Déméter et Perséphone, Psyché, Daphné, Circé, Artémis et Athéna, sans oublier Pénélope et Atalante, elles sont toutes différentes, porteuses de valeurs féminines éternelles : courage, énergie, vertu, élégance morale mais n’oublions pas quelques talents de magicienne ou un certain don pour ruser… bien nécessaires ! Les illustrations, très ensoleillées, transportent dans une Grèce estivale : il n’y manque que le parfum du thym et de l’hysope. La mise en page, très aérée, invite à la lecture et facilitera l’entrée dans ce monde un peu étrange mais si captivant de la mythologie grecque.

Dès 8 ans

Susanna Davidson et Rosie Dickins, Contes de filles intrépides et incroyables des mythes grecs, illustrations de M. Lechuga, M. Lee-Mackie, J. Bloggs, W. Pink, Usborne, 2022, 160 p., 16,50 € — Traduit de l’anglais par Nathalie Chaput et Claire Lefebvre. Imprimé aux Emirats Arabes Unis.

JOYEUX NOELTOUS !

Chères amies, chers amis,

Je vous souhaite de passer un joyeux Noël,
entourés d’enfants pleins de vie et de livres riches en surprises !
Je serai ravie de savoir quels beaux livres
ont fait la joie des jeunes lecteurs.
N’hésitez pas à me faire part de vos découvertes et de leurs découvertes !

Madame la Chouette

 

Philip Pullman, A la Croisée des Mondes – Les Royaumes du Nord

L’édition superbement illustrée par Chris Wormell et le format généreux de ce livre en feront un cadeau idéal – oui, si vous en avez oublié un, n’hésitez pas !
Et comme Madame la Chouette a beaucoup à faire en ce 23 décembre, voici juste la présentation de l’éditeur : « Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l’atmosphère confinée d’une prestigieuse université anglaise, est-elle l’objet de tant d’attentions ? De quelle mystérieuse mission est-elle investie ? Lorsque son meilleur ami, Roger, disparaît, victime des ravisseurs d’enfants qui opèrent dans tout le pays, elle n’hésite pas à se lancer sur ses traces… Un audacieux voyage vers le Grand Nord, périlleux et exaltant, qui lui révélera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d’un autre monde.
Premier tome de la célèbre trilogie « À la croisée des mondes », Les Royaumes du Nord a conquis des millions de lecteurs dans le monde entier, a reçu les prix les plus prestigieux et fait l’objet de nombreuses adaptations à l’écran comme en bande dessinée. »
Voilà, vous savez tout !

Dès 10 ans

Philip Pullman, A la Croisée des Mondes – Les Royaumes du Nord, illustrations de Chris Wormell, Gallimard Jeunesse, 2022, 304 p., 36,50 € — Traduit de l’anglais par Jean Esch. Imprimé en Chine

James Matthew Barrie, Peter Pan dans les jardins de Kensington

« Il a toujours le même âge, cela n’a aucune espèce d’importance. Son âge est une semaine, et quoiqu’il soit né depuis bien longtemps, il n’a jamais eu d’anniversaire, et il n’a pas la moindre chance d’en avoir jamais. La raison de cette anomalie c’est qu’à l’âge de sept ans, il a abandonné la condition d’homme ; il s’est échappé par la fenêtre et s’est sauvé dans les Jardins de Kensington.
Si vous croyez que c’est le seul enfant qui ait jamais voulu s’échapper, c’est la preuve que vous avez complétement oublié votre enfance. »
Mais qui est cet étrange personnage ? Peter Pan, bien sûr ! Mais à quel âge se terminait « votre enfance » quand on sait que ce récit faisait la joie des jeunes lecteurs qui le découvrirent en 1906 ? Avant de s’envoler pour le Pays imaginaire en compagnie de Wendy, ce petit garçon qui ne voulait pas grandir vit de multiples aventures dans les Jardins de Kensington, au cœur de Londres. Il parle aux oiseaux, apprivoise les fées par sa musique et navigue sur la Serpentine en affrontant des tempêtes.  J.M. Barrie avait confié à Arthur Rackham (1867–1939), l’un des plus grands illustrateurs anglais, le soin d’insuffler à ce chef‑d’œuvre littéraire une dimension picturale et fantastique. À travers 50 aquarelles superbement reproduites par les soins de la BnF, cet ouvrage restitue la beauté et le raffinement de l’édition originale, dans la tradition des « gift books » de l’ère édouardienne. Un cadeau hors du temps…

Dès 9 ans

James Matthew Barrie, Peter Pan dans les jardins de Kensington, illustrations d’Arthur Rackham, Bibliothèque nationale de France, 2022, 128 p., relié, 19 € — Traduit de l’anglais. Imprimé en Italie

Mes premières expériences scientifiques

Comment faire briller une vieille pièce de 2 centimes ? Comment mélanger des couleurs sans pinceau ? Comment faire danser des raisins secs dans un verre d’eau ? Comment fabriquer du beurre ? Cet album propose plus de 50 expériences à réaliser avec les moyens du bord tant en physique et en chimie qu’en biologie et même en astronomie. Les dessins sont clairs, et drôles ; les explications faciles à mettre en œuvre. La présence bienveillante d’un adulte peut s’avérer nécessaire, mais quelle satisfaction quand l’expérience a réussi ! Les « vrais » savants auront même la patience de recommencer pour vérifier si leur résultat n’est pas le seul fruit du hasard.

Dès 7 ans

Collectif, Mes premières expériences scientifiques, illustrations de Petra Baan et Diego Funck, Usborne, 2022, 64 p., 13,95 € — Traduit de l’anglais. Imprimé aux Emirats Arabes Unis

Hans Christian Andersen, La Reine des neiges

« “Que c’est donc amusant !” disait le Diable en contemplant son ouvrage. Lorsqu’une pensée sage ou pieuse traversait l’esprit d’un homme, le miroir se plissait et tremblait. » Car c’est « un vilain merle, le plus méchant de tous, le Diable ». Et voilà qu’un infime morceau de ce miroir va pénétrer dans l’œil du jeune Kay, un bien gentil petit gars de ce Danemark des légendes. Son amie Gerda parviendra-t-elle à le sauver ? Ce célèbre conte d’Hans Christian Andersen est ici donné dans son texte intégral et dans une belle traduction de 1845, soit juste un an après la parution en danois. Plus tard, le « merle » redeviendra un « troll », mais peu importe…
Les superbes illustrations, très actuelles, d’Aliocha Gouverneur jouent sur de multiples registres, elles s’inspirent des traditions nordiques et slaves mais sans « folklorisme », mais aussi de l’Art Nouveau comme de l’expressionnisme.

Dès 8 ans

Hans Christian Andersen, La Reine des neiges, illustrations d’Aliocha Gouverneur, Albin Michel, 2022, 92 p., 24,90 € — Traduit du danois par Ernest Grégoire et Louis Moland. Imprimé en Espagne

Alexandra Stewart, Everest

« La véritable histoire d’Edmund Hillary et Tenzing Norgay », précise la couverture de cet album. Et comment ne pas vibrer au récit de cette aventure hors du commun ? Le 29 mai 1953, Edmund Hillary et Tenzing Norgay, le Néo-Zélandais et le Népalais, l’apiculteur et le sherpa, furent les premiers hommes à atteindre le sommet de l’Everest, à 8 849 mètres. Un immense exploit. Si la technologie permit à Hillary de réaliser des photos, Norgay, lui, « creusa un trou dans la neige et y plaça des bonbons, du chocolat et un crayon de couleur que sa fille lui avait donnés. Ils constituaient des offrandes aux dieux de l’Everest, les remerciant de les avoir gardés en vie jusqu’au bout ».
Cet album aux dessins « faussement » naïfs évoque aussi le « bas de la pyramide », tous les obscurs et les sans-grades, tous les camarades qui ont permis de réaliser ce rêve un peu fou : gravir une montagne, simplement « parce qu’elle était là ». Plus qu’un documentaire, donc, un vibrant hommage à la montagne et aux hommes qui les gravissent avec respect.
L’album est préfacé par Ranulph Fiennes, un explorateur anglais qui a lui-même gravi l’Everest dans les années 1960.

Dès 9 ans

Alexandra Stewart, Everest, illustrations de Joe Todd-Stanton, Delachaux et Niestlé, 2022, 64 p., 20,90 € — Traduit de l’anglais par Fanny Bouilly. Imprimé en Italie