« Dans le poste de télévision, le capitaine Burke et le commander Rock, son officier en second, se figèrent dans une posture défensive à peine moins outrée que celle d’un éphèbe grec sur un tableau de la Renaissance. Leurs uniformes colorés – formés d’un sous-pull moulant en acrylique et d’un pantalon de treillis – scintillèrent un petit moment devant le décor en carton. Puis l’écran de télévision devint noir, et afficha bientôt un ciel constellé d’étoiles. […] Alors retentit une musique glorieuse et les mots STAR TRIP s’affichèrent sur toute la hauteur de l’écran. » Taratata, taratata… Nous sommes en 1968, les effets spéciaux des séries intergalactiques ne sont pas encore très au point. Cela permet à May, la grande sœur du jeune Sam, de lui construire, en cachette, une réplique de la navette spatiale USS Intrepid. Non sans l’aide de son boyfriend Will, parangon du jeune Américain à l’aise au volant d’un vieux combi. Le jeu tourne à l’aigre quand le capitaine Burke — ou plutôt l’acteur en titre Benjamin Spike — débarque dans leur grange au fin fond de l’Idaho. Commence un voyage déjanté, où la réalité rejoint et dépasse souvent la fiction. Si l’Amérique est « conquérante » quand il s’agit d’aller dans l’espace et d’en faire du cinéma, le roman s’attarde plus sur l’Amérique des paumés : hippies, révérend évangéliste insistant, patron de motel en déshérence, Indien chaman, jusqu’à cet acteur qui se révèle un pur looser… 1968 : Star Wars n’avait pas encore évincé Star Trek et la Nasa flirtait gaiement avec les extraterrestres. Cela donne un roman un peu psychédélique, mais haut en couleur et quasiment intergénérationnel. Et si la navette allait décoller, pour de bon ?
Dès 12 ans
Eric Senabre, Star Trip, Didier Jeunesse, 2017, 288 p., 15,90 €